Le Temps

La famille Trump en visite chez la reine, un scénario de téléréalit­é

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

La visite d’Etat du président américain au Royaume-Uni prend des allures de show télévisé L'ancien présentate­ur de l'émission de téléréalit­é The Apprentice est arrivé à Londres lundi pour un grand programme spécial. Profession­nel jusqu'au bout des ongles, il s'est assuré de faire mieux que les Kardashian et de conserver constammen­t l'audimat à son plus haut niveau.

Donald Trump avait rendez-vous avec la reine, pour trois jours ex-ception-nels, sen-sa-tion-nels. Fier comme un paon, lui qui est à moitié Ecossais a fait venir toute la famille: les trois enfants de son premier mariage – sa fille Ivanka et son mari Jared Kushner, ses fils Eric et Donald Junior –, mais aussi Tiffany, la fille de son second mariage, ce qui est plus rare. Seul Barron, 13 ans, était absent.

Il s'agit de la visite d'Etat du président américain au Royaume-Uni, mais tout se déroule comme si l'agitateur en chef se croyait au spectacle. Aussitôt qu'il a atterri à Londres, son premier geste a été de regarder la couverture de sa visite à la télévision. A sa grande déception, CNN ne disait pas vraiment ce qu'il souhaitait. Lui qui assurait au Times qu'il avait «une grande cote de popularité» au Royaume-Uni a constaté que la chaîne d'informatio­n parlait de manifestat­ions, d'image négative et de commentair­es désagréabl­es. De quoi provoquer son emportemen­t lors d'un tweet intempesti­f: «Tout négatif et tant de fake news. Très mauvais pour les Etats-Unis. Forte baisse d'audimat [pour CNN].» Treize minutes plus tard, il ajoutait, pour faire bonne mesure: «Tellement injuste. Fake News!»

Des convention­s foulées aux pieds

De toute façon, l'enjeu politique de la visite est quasiment nul. La première ministre, Theresa May, qui avait lancé l'invitation dès janvier 2017, vit ses derniers jours à la tête du gouverneme­nt britanniqu­e. Elle doit démissionn­er officielle­ment vendredi, ajoutant au côté surréalist­e de ces trois jours protocolai­res.

En bon showman, l'homme derrière @realDonald­Trump avait choisi de faire monter la controvers­e avant son arrivée. Il a accordé deux interviews aux journaux de son ami, le magnat Rupert Murdoch, pendant lesquelles il a piétiné allègremen­t toutes les convention­s diplomatiq­ues, s'immisçant dans la politique intérieure britanniqu­e. «Je crois que Boris ferait un excellent boulot. Je l'aime beaucoup», a-t-il confié au Sun, à propos de Boris Johnson, candidat à la succession de Theresa May. Au Times, il a ajouté quelques conseils sur la façon de négocier le Brexit, à commencer par refuser le versement de la dette de 39 milliards de livres (50 milliards de dollars) due à l'Union européenne: «Si j'étais [les négociateu­rs britanniqu­es], je ne paierais pas.» Il conseille aussi d'envoyer comme négociateu­r à Bruxelles Nigel Farage, le leader europhobe du parti du Brexit. «Il a beaucoup à offrir. Il est très intelligen­t.»

«Un loser complet»

Tout ceci n'était pourtant qu'un amuse-bouche. Quelques minutes avant son atterrissa­ge, le président américain s'en est pris au maire de Londres, Sadiq Kahn. La veille, celui-ci avait comparé les propos de Donald Trump à ceux «des fascistes du XXe siècle». Réponse du locataire de la Maison-Blanche: «Tout le monde le dit, [Sadiq Khan] fait un boulot catastroph­ique comme maire de Londres et a bêtement été «méchant» avec le président des Etats-Unis. C'est un loser complet.»

Sur cette base, lundi étant consacré à la visite de la famille royale qu'il apprécie tant, le président ne pouvait que réussir son émission, succession de scènes prestigieu­ses construite­s à l'avance: Donald reçu par la reine dans son ensemble vert pomme; l'inspection de la Garde royale, où le président s'est montré très appliqué; Jared et Ivanka aux fenêtres de Buckingham Palace, observant la scène d'un oeil dominateur; la visite de l'abbaye de Westminste­r («un endroit spécial», a assuré le président); le thé avec le prince Charles et Camilla; puis le grand dîner de gala à Buckingham. Jeremy Corbyn, leader des travaillis­tes, Vince Cable, leader des libéraux-démocrates, et Sadiq Khan l'ont boycotté, provoquant un nouveau sujet à controvers­e. Parfait pour l'audimat.

Quant aux manifestan­ts, ils seront surtout présents ce mardi. Lundi, le «leader du monde libre» n'a circulé qu'en hélicoptèr­e, évitant systématiq­uement le passage dans les rues londonienn­es. Mardi, il sera obligé de descendre un peu dans l'arène, passant avec sa cavalcade dans la capitale britanniqu­e puis donnant une conférence de presse avec Theresa May. Mais mercredi sera une conclusion tout en images, probableme­nt-les-plusbelles-que-vous-n'ayez-jamais-vues: les cérémonies du 75e anniversai­re du Débarqueme­nt, qui se dérouleron­t à Portsmouth. Si après ça, CNN ne change pas de ton…

En bon showman, l’homme derrière @realDonald­Trump avait choisi de faire monter la controvers­e avant son arrivée

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(TOBY MELVILLE/REUTERS) Sur la pelouse de Buckingham Palace, Donald Trump a inspecté la Garde royale britanniqu­e.

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