La Suisse pourrait-elle supplanter le Royaume-Uni?
Chaque année, les contribuables non domiciliés au Royaume-Uni apportent une contribution significative à l’économie britannique. Le Brexit accroissant les incertitudes et ayant déjà un fort impact sur l’économie locale, il est très probable que le gouvernement s’appuiera encore davantage sur eux pour augmenter les recettes. Certains de ces contribuables qui auraient normalement investi au Royaume-Uni pourraient dès lors être tentés d’aller voir ailleurs.
Dans ce contexte, la Suisse pourrait tirer son épingle du jeu avec ses institutions financières solides, sa stabilité politique ainsi que ses infrastructures de premier ordre, et devenir une alternative de choix.
En 2018, on enregistrait environ 91000 contribuables non domiciliés au Royaume-Uni. Bien qu’ils soient peu nombreux, ils représentent une richesse non négligeable. Parmi les plus connus, on peut citer Lakshmi Mittal, président et premier actionnaire d’ArcelorMittal, le plus grand sidérurgiste mondial basé au Luxembourg, et Roman Abramovitch, actionnaire majoritaire d’Evraz Plc, producteur d’acier basé à Londres, et propriétaire du club de football de Chelsea. Selon les chiffres du HMRC (Her Majesty’s Revenue and Customs), les contribuables non domiciliés contribuent pour près de 9,4 milliards de livres sterling à l’impôt sur le revenu, à l’impôt sur les gains en capital et aux recettes d’assurance.
Plusieurs facteurs, notamment les réformes visant à supprimer leurs allégements fiscaux permanents et l’augmentation des coûts pour conserver leur statut fiscal, ont déjà poussé bon nombre de contribuables à déménager. Au milieu de l’année 2018, le nombre de personnes n’ayant pas de domicile principal au Royaume-Uni était à son plus bas niveau depuis une décennie.
Pendant des décennies, le secteur suisse de la gestion de fortune s’est surtout distingué par sa confidentialité et son opacité, attirant des clients fortunés du monde entier et positionnant la Suisse comme première place mondiale.
Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé en raison des diverses réformes et conventions de portée mondiale comme Fatca et le CRS dans le domaine de l’échange d’informations. En outre, la création de richesses s’est accélérée dans certaines régions du monde, s’éloignant des centres traditionnels et propulsant des centres financiers tels que Singapour et Hongkong au premier plan. Au vu de cette évolution, beaucoup prédisaient le déclin de la Suisse en tant que juridiction privilégiée pour la gestion de fortune et la planification patrimoniale. Cependant, la Suisse a encore beaucoup d’atouts. Premièrement sa stabilité politique. Comparé au feuilleton du Brexit et aux inconnues qu’il engendre, à l’Allemagne de l’après-Merkel, à la France et son mouvement des «gilets jaunes» et aux puissances politiques populistes, majoritairement de droite, en Italie, en Autriche et plus à l’est de l’Europe, la Suisse se distingue par un système politique modéré et stable. Cette stabilité se traduit par un cadre de travail prévisible très apprécié des investisseurs.
Deuxièmement, son système juridique équitable et fiable. Le système juridique suisse, à l’instar de son système politique, est stable et hautement professionnel. Un tel environnement est également extrêmement important pour les clients des sociétés de gestion de fortune basées dans le pays. Et même lorsque des réformes substantielles ont lieu, elles sont planifiées des années à l’avance et les parties concernées disposent de suffisamment de temps pour s’y préparer.
Troisièmement, la Suisse bénéficie d’infrastructures de premier ordre. En matière de communication, de transport, de santé ou d’éducation, la Suisse se classe parmi les leaders mondiaux. Cela facilite grandement le déploiement d’activités commerciales.
Quatrièmement, elle possède une maind’oeuvre hautement qualifiée et un marché du travail flexible et attractif. Les récentes réformes qui ont remodelé le domaine de la gestion de fortune ont obligé de nombreuses institutions suisses à améliorer la qualité de leurs prestations. La souplesse du marché local et la facilité d’attirer des talents étrangers ont favorisé l’expansion et l’adaptation de l’industrie.
Par ailleurs, bien que la Suisse soit souvent présentée comme conservatrice et plutôt «lente», l’innovation y est en fait florissante. C’est le cas des nombreuses start-up qui ont éclos récemment dans le domaine de la blockchain et des actifs cryptos. La Suisse qui s’est d’ailleurs très vite positionnée sur la question à tous les niveaux (technique, juridique et réglementaire, bancaire et éducatif ), se place ainsi comme un acteur mondial dans le domaine.
Finalement, même si le marché de l’immobilier suisse n’a pas été aussi lucratif pour les investisseurs étrangers que celui du RoyaumeUni au cours des deux dernières décennies, les facteurs susmentionnés ont tous joué un rôle important pour attirer des investisseurs étrangers en Suisse. Et, à mesure que l’incertitude économique mondiale continuera d’augmenter, la stabilité apportée par la Suisse deviendra de plus en plus attrayante.
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«Mi-2018, le nombre de contribuables non domiciliés au Royaume-Uni était à son plus bas niveau depuis dix ans