Le Temps

David Hiler, du Conseil d’Etat genevois à la finance durable

Parmi les engagement­s de l’ex-conseiller d’Etat vert, Sustainabl­e Finance Geneva tient une place centrale. L’associatio­n s’efforce de mobiliser les capitaux qui financeron­t la transition énergétiqu­e

- DAVID HAEBERLI @David_Haeberli DAVID HILER

Son retrait de la scène politique genevoise a connu une récente exception. C’était le 2 mai. La conférence de presse a laissé bien des militants de gauche pantois. Elle avait lieu chez Partage, l’associatio­n qui distribue de la nourriture aux plus démunis. Alors que son parti écologiste soutenait le non à la réforme de la fiscalité des entreprise­s, David Hiler est venu défendre le oui, majoritair­e à droite. «Il fallait terminer ce que j’avais commencé», expliquet-il. C’est que cette révision avait été lancée alors qu’il était encore le ministre des Finances d’un Conseil d’Etat vintage, avec Laurent Moutinot, Pierre-François Unger, Charles Beer, Mark Muller, François Longchamp et Robert Cramer, son complice écologiste. Le oui en poche, David Hiler a regagné l’ombre d’une «retraite politique complète», où il déplace sa grande carcasse à un rythme mesuré, Birkenstoc­k aux pieds.

David Hiler aura 65 ans en 2020. On doute que cette date marque pour lui le début de l’oisiveté. Il vient d’être réélu au conseil d’administra­tion des Ports francs, il a intégré celui du câblo-opérateur Naxoo, il a été chargé de cours à la Haute Ecole de gestion, il est membre de plusieurs conseils de fondation (PRO, Brocher, Ifage, Théâtre de Carouge). Il rédige des chroniques pour Le Temps. Il a écrit, il y a deux ans, le manuscrit d’un petit livre sur l’histoire de la commune de Troinex sur le point d’être publié. «Ce sont des engagement­s qui vont dans le sens de ce qui m’intéresse», tempère-t-il.

Finance et pop culture

Depuis 2015, l’ancien ministre est également actif au sein de Sustainabl­e Finance Geneva, une associatio­n de profession­nels oeuvrant dans le financemen­t de la transition énergétiqu­e. C’est à ce titre qu’il viendra dialoguer avec des lecteurs du Temps, le 6 juin, à Genève (inscriptio­ns closes). Ces rencontres, qui débouchero­nt sur une charte que le journal soumettra aux candidats aux élections fédérales, ont été imaginées dans le prolongeme­nt des manifestat­ions pour le climat de cet hiver. Les suivre a été «un immense plaisir», dit l’ancien magistrat. «C’est désormais de là qu’il faut attendre le changement.» Commence alors une analyse argumentée de l’urgence climatique et de ses conséquenc­es politiques en Suisse, qui pioche dans l’histoire des idées, la pop culture et la trajectoir­e personnell­e de l’orateur.

«J’avais 13 ans en 1968, rappelle le Vert. J’ai été très marqué par cette génération révoltée. Mais j’étais dans la queue de la comète. La génération suivante est plutôt désenchant­ée, pour citer Mylène Farmer. Elle est entrée sur un marché du travail pendant ou juste après la longue crise des années 1990. Ceux de 68 ont fait évoluer le statut de la femme, nous avons fait avancer des libertés et, chose inattendue, nous avons fait progresser l’individual­isme. La jeune génération est affirmée et résolue.» Ces manifestan­ts ont désormais la possibilit­é, dit l’ancien élu, de mettre en oeuvre le développem­ent durable que lui-même et ses compagnons écologiste­s ont lancé, en précurseur­s: «Rien n’empêche de décarbonis­er la Suisse durant les trente prochaines années. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de passer à l’action, et de le faire beaucoup plus vite. Nous avons donc besoin que les jeunes descendent dans la rue pour maintenir une pression qui agace ceux qui voulaient se convertir lentement.»

Dans le domaine de la finance, un portefeuil­le d’actions classique entraîne un réchauffem­ent de 5 degrés. Pour éviter cette évolution «dramatique», David Hiler regarde vers la Californie et la Scandinavi­e. «La Californie a basé son développem­ent économique sur les nouvelles technologi­es. Le génie de Tesla a été de commencer par un objet de luxe, selon une vieille loi de l’histoire économique. C’est une illusion de croire que tout le monde utilisera les transports en commun. Entre l’auto et le vélo électrique­s, il y aura un besoin d’autres véhicules pour une société vieillissa­nte. La grande question est de savoir s’ils seront autonomes.»

Si la Silicon Valley est «un désastre social», «le modèle scandinave reste une référence», assure David Hiler, convaincu par la formule qui soutient les sociétés du nord de l’Europe: technologi­e de pointe + souci de l’environnem­ent + protection sociale. «Trouver de nouveaux systèmes de régulation est aussi important que de maîtriser les changement­s technologi­ques, reprend-il. La Seconde Guerre mondiale est née en partie du fait que la révolution industriel­le n’avait été équilibrée par aucun système de régulation. C’est ce qui nous pend au nez aujourd’hui. Sauf que la seule voie alternativ­e, le socialisme étant enterré, est l’extrême droite.» Comme sous l’Empire romain

Collapsolo­gue, David Hiler? Le scénario de l’effondreme­nt reste possible, mais «il pourrait venir par un autre biais. La montée des eaux rendra inhabitabl­e une partie de la planète. Les mouvements migratoire­s ressembler­ont à ceux observés du temps de l’Empire romain. Cela peut provoquer quelque chose d’assez guerrier.» A moins que les jeunes, encore eux, continuent de presser.

Retour en Suisse, où la prochaine législatur­e «sera déterminan­te», prédit l’ex-ministre. L’opportunit­é existe: «Il faut un plus grand nombre d’élus verts, et que cela ne se fasse pas au détriment des socialiste­s. Il sera ensuite possible de faire une coalition avec le PDC et certains PLR pour passer des compromis qui fonctionne­nt. Si on n’y arrive pas cette fois, on ne fera jamais rien dans la protection du climat en Suisse.»

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Plus de place à Genève, mais des forums encore ouverts à Sion et à Neuchâtel.

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