Les banques centrales sur le pied de guerre
La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis dégrade profondément les conditions de l’économie planétaire
La Banque centrale européenne et la Réserve fédérale devront très certainement revoir leurs positions
Quelles options s’offrent désormais à elles? Tour d’horizon
Le début de l’été semble soudainement couvert de nuages. La guerre commerciale qui déchire les EtatsUnis et la Chine et le spectre de la récession qui plane de nouveau sur l’économie mondiale inquiètent les banques centrales. Les regards sont d’ores et déjà braqués sur la réunion de la Banque centrale européenne (BCE) jeudi pour redéfinir sa politique monétaire. La Réserve fédérale américaine (Fed) se réunira à son tour le 17 juin. Deux semaines plus tard, ce sera la rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping en marge du G20. Les deux hommes pourraient alors signer un cessez-le-feu. Ou confirmer que la guerre sera longue.
«Tant la BCE que la Fed m’apparaissent dans le rôle d’observateurs inquiets qui attendent la tournure des événements avant d’agir, observe Patrice Gautry, chef économiste d’UBP à Genève. Les deux banques centrales ne voudront pas brûler leurs cartouches trop tôt, d’autant plus qu’elles n’en ont plus beaucoup.» Selon lui, elles ont techniquement le choix d’inonder le marché de liquidités pour réduire les risques qui pèsent sur l’économie mondiale ou d’attendre et intervenir que lorsque la situation l’exigera.
L’inflation, loin de la cible
Pour Patrice Gautry, la BCE pourrait annoncer jeudi l’introduction de l’outil dit LTRO (Long Term Refinancing Operations). Il s’agit de prêts à long terme accordés aux banques. En 2011 et 2012, 1100 milliards d’euros avaient ainsi été distribués aux établissements financiers de la zone euro sur trois ans. Les opérations débuteraient dès septembre prochain.
Professeur d’économie à l’Université de Fribourg, Sergio Rossi se moque du LTRO. «Il faudrait plutôt des mesures qui aident à la création d’emplois et qui donnent une impulsion à la consommation, commente-t-il. Le LTRO ne contribuera ni à l’un ni à l’autre.» Selon lui, la politique d’assouplissement monétaire dans la zone euro mise en place depuis 2011 n’a pas donné les résultats escomptés. «La BCE pensait qu’en augmentant la masse monétaire, elle relancerait l’inflation, ironise-t-il. Au premier trimestre 2019, elle était à 1,3%, loin de la cible de 2% fixée par le Pacte européen de stabilité et de croissance.»
«Jeudi, la BCE de Mario Draghi pourrait effectivement remettre des liquidités aux mains des banques, poursuit Sergio Rossi. Mais comme dans le passé, les banques se tourneront vers les marchés financiers pour augmenter leurs bénéfices.» Selon lui, la bonne tenue des bourses depuis le début de l’année ne constitue pas une bonne nouvelle. «C’est inquiétant, prévient-il. Cela montre que les marchés financiers sont déconnectés de l’économie réelle. Du moment qu’ils enflent plus que le produit intérieur brut, on peut dire que c’est de la spéculation pure et dure. Ce sont les plus rusés et les plus habiles qui profitent de cette situation.»
Jeudi à la réunion de la BCE délocalisée à Vilnius, en Lituanie, les regards seront aussi tournés vers les propos du nouveau chef économiste de la BCE, l’Irlandais Philip Lane, qui a la réputation d’être favorable à un soutien de l’économie. Il remplace le Belge Peter Praet depuis le début du mois. Mario Draghi, le président de la BCE, lui, il quittera ses fonctions en octobre prochain.
Les pressions de Donald Trump sur la Fed
Du côté des Etats-Unis, la Fed est aussi attentive aux effets de la guerre commerciale sur l’économie. «Nous surveillons de près son impact sur les perspectives de croissance de l’économie américaine et, comme toujours, nous agirons de manière à soutenir l’expansion», a déclaré Jerome Powell, le président de la Fed mardi dans un discours prononcé à Chicago. Il a aussi fait part de ses inquiétudes de l’institution face à la faiblesse de l’inflation. La Fed est par ailleurs pressée par le président Trump de baisser les taux directeurs.
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