«VIOLENCES OBSTÉTRICALES»: NE PAS NOURRIR LA RANCOEUR
Fidèle lecteur et obstétricien, j’ai lu avec intérêt votre dossier du 29 mai et ses regrettables violences à «regarder en face». Il est capital de reconnaître et prévenir traumatismes ou vécus éprouvants en obstétrique comme ailleurs, les réparer, les éviter. Professionnels et institutions en ont conscience et s’y appliquent de longue date à travers encadrement, formation, sensibilisation des équipes, autant qu’à titre individuel dans l’immense majorité des cas. Soulignons le souci d’excellence qui les anime et leur autocritique indiscutable à tous degrés: scientifique, technique, et avant tout humain.
Démontrer cette préoccupation constante d’appliquer les meilleures pratiques est un défi bien moins commode que nourrir la rancoeur en citant des témoignages isolés de mauvais vécus, sinon de mauvaises conduites. La démarche est dangereuse. Sensibiliser ainsi l’opinion engendre un climat délétère de méfiance à l’égard des soignants et des institutions, au risque d’émousser la confiance et le soutien adéquat indispensables à une relation profitable au patient.
L’appui scientifique se résume céans à une statistique des instrumentations obstétricales et de l’épisiotomie, interventions cependant légitimées par la santé maternelle et néonatale. L’indication à la césarienne n’est pas même évoquée. «Violence obstétricale»: le terme suggère maltraitance, voire malveillance intentionnelle d’une équipe, sans rappeler la «violence» intrinsèque à l’accouchement, que notre prise en charge n’a pourtant pour seul objectif que d’adoucir. Si grossesse et accouchement constituent l’entité sanitaire au succès le plus aléatoire géographiquement, c’est précisément grâce aux progrès de cette «médicalisation» si critiquée.
Très efficace pour susciter effroi et indignation, l’approche sensationnaliste est peu reluisante mais très vendeuse. On a déjà pu voir une certaine presse se substituer à la justice, elle vient désormais charger l’éthique et la déontologie médicales, et c’est navrant.
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