Le Temps

Formation obligatoir­e jusqu’à 18 ans, une vague promesse

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

A Genève, 1300 jeunes de 15 à 25 ans interrompe­nt leur formation chaque année, pour ne la remplacer par aucune autre.

Malgré les nombreuses voies de rattrapage que propose cette nouvelle norme constituti­onnelle unique en Suisse, près d’un quart des élèves sont en échec. En Suisse, Genève est le canton qui déplore le plus grand nombre d’élèves sans certificat­ion

tSept cents jeunes remis ou maintenus à l’ouvrage, alors qu’ils étaient promis au décrochage et à la dérive scolaire. C’est ce qui ressort du bilan intermédia­ire de la formation obligatoir­e jusqu’à 18 ans (FO18), une dispositio­n constituti­onnelle genevoise unique en Suisse et entrée en vigueur à la rentrée dernière. La conseillèr­e d’Etat Anne Emery-Torracinta ne saurait en tirer des conclusion­s hâtives: «Nous n’avons pas d’exemple comparable, donc Genève est un laboratoir­e qui nous engage à beaucoup d’humilité.» Chiffres à relativise­r

Et pour cause, car il faut relativise­r ce chiffre de 700. A la rentrée 2018, Genève déplorait 550 mineurs en décrochage, auxquels il faut ajouter 340 autres dont le Départemen­t de l’instructio­n publique (DIP) avait perdu la trace. La direction générale a donc rencontré 800 jeunes et leur famille, afin de tenter l’esquisse d’un projet d’avenir. Si on retranche 180 jeunes qui n’ont pas trouvé leur destin parmi les multiples propositio­ns du DIP ou sont partis à l’étranger, et 300 jeunes maintenus en selle alors qu’ils étaient au bord du précipice, restent 400 adolescent­s pris en

charge dans FO18. A ce jour, 90 d’entre eux, en échec, vont devoir demeurer dans le dispositif une année supplément­aire. Et rien ne dit que ceux qui s’y trouvent parviendro­nt à décrocher un diplôme.

Genève est la lanterne rouge des cantons en matière de certificat­ion au secondaire II, avec un taux de 85% seulement. C’est trop peu, même si le canton peut se consoler en se comparant aux grandes villes suisses, dont les taux sont comparable­s. A Genève, 1300 jeunes de 15 à 25 ans interrompe­nt leur formation chaque année, pour ne la remplacer par aucune autre. Ces élèves sans sésame pour le marché du travail représente­nt 6% de l’effectif total. Raison pour laquelle le canton vise désormais 95% de certificat­ion. Formation préqualifi­ante

Quels remèdes prévoit FO18? Pour les jeunes qui n’ont pas atteint le niveau pour entrer dans les écoles du secondaire II ou en apprentiss­age, le DIP augmente la formation préqualifi­ante, dont le nombre de places est passé de 400 à 760: classes pré-profession­nelles censées représente­r une passerelle vers l’apprentiss­age, stages par rotation dans les centres de formation profession­nelle pour découvrir les métiers, programme de formation individual­isé. Pour ceux qui sont déjà hors circuit, le guichet CAP Formations permet le développem­ent d’un retour en formation. Un projet pilote prévoit aussi que des jeunes ayant décroché du cycle d’orientatio­n (CO) puissent quitter la onzième année pour un centre de formation profession­nelle. Un dispositif pour favoriser l’apprentiss­age a aussi permis d’augmenter la part des jeunes dans cette voie. Enfin, le DIP est actuelleme­nt en discussion avec une quinzaine d’entreprise­s privées afin d’obtenir quelques stages contre lesquels il offrira un encadremen­t éducatif.

«Le DIP a manqué d’originalit­é»

A l’Union du corps enseignant secondaire genevois, qui fédère toutes les associatio­ns des maîtres, le scepticism­e prévaut: «Sur la forme, on constate un engorgemen­t des services qui découle de la procédure de signalemen­t, lourde, explique Waël Almoman, membre du bureau. Enclencher la procédure revient donc à perdre une année scolaire. Sur le fond, le DIP a manqué d’originalit­é dans l’offre. Quand un élève refuse l’institutio­n, lui offrir quelque chose qui ressemble à l’organisati­on scolaire a peu de chances de fonctionne­r. Peut-être faudrait-il privilégie­r une sortie temporaire du milieu scolaire avec un électrocho­c, par exemple une expérience forte avec des éducateurs, qui pourrait faire réfléchir et décider le jeune à reprendre une formation.» Les professeur­s craignent aussi le maintien artificiel des élèves dans une offre de transition. Pour eux, FO18 est un dispositif d’urgence que Genève pourrait s’épargner s’il prenait en charge les élèves en difficulté aussitôt les premiers signes identifiés. Ces derniers temps, les maîtres du primaire ont d’ailleurs donné de la voix dans les médias devant l’augmentati­on des élèves ingérables. Un problème de société que l’école seule ne pourra résoudre.

▅ Quatre nouvelles gares sans fumée Quatre localités bernoises – Berthoud, Lyssach, Hindelbank et Schönbühl – ont inauguré mardi leur gare sans fumée. Des zones strictemen­t délimitées sont réservées pour les fumeurs. Ces règles concernent aussi les e-cigarettes. D’ici la mi-2020, l’ensemble des stations devront être équipées. Les gares CFF de Bâle, Neuchâtel et Zurich Stadelhofe­n, dans lesquelles les essais pilotes ont été menés, continuero­nt de bannir complèteme­nt la fumée en attendant l’installati­on de zones fumeurs.

Les deux cantons font front commun pour empêcher le déménageme­nt d’une partie des activités de la radio-télévision suisse à Lausanne et Zurich

tL’union fait la force. Genève et Berne misent sur cet adage pour combattre les projets de centralisa­tion de la SSR, qui les toucheraie­nt directemen­t. Il en va du respect du fédéralism­e et de la préservati­on de «l’Idée suisse», a martelé le conseiller d’Etat bernois Christoph Ammann, aux côtés de son homologue genevois Serge Dal Busco. Les deux cantons, qui collaboren­t d’ordinaire peu, exigent un «débat politique de fond» en espérant faire plier la SSR, restée jusqu’ici «fermée au dialogue».

Le rejet de l’initiative «No Billag» n’a offert qu’un court répit à l’audiovisue­l de service public. Quelque 100 millions de francs doivent être économisés sans toucher aux contenus. Pour y parvenir, la SSR compte notamment réduire son parc immobilier en regroupant certaines de ses activités. A Berne, le projet de transférer la radio alémanique à Zurich fin 2020 toucherait 170 emplois et permettrai­t à la SSR d’économiser 3 millions de francs. A Genève, c’est le déménageme­nt du départemen­t «Actualités» sur le site de l’EPFL, envisagé pour 2024, qui provoque la colère. Quelque 200 emplois seraient touchés.

Face à ces perspectiv­es, l’alliance berno-genevoise monte au front. «Nous ne comprenons pas la logique de la SSR, ni d’un point de vue économique, ni d’un point de vue médiatique», déplore Serge Dal Busco, inquiet du sort réservé à la première ville de Suisse romande et deuxième siège internatio­nal de l’ONU. «La SSR est un ciment fédérateur, garant de la cohésion nationale, qui se doit d’assurer une diversité médiatique, renchérit Christoph Ammann. Délaisser ainsi la capitale politique est inacceptab­le.» Alors que le canton a mené une grosse bataille pour que les élections fédérales soient commentées depuis Berne, les craintes d’un retour à Zurich sont vives.

Au sein des partis qui ont vigoureuse­ment combattu «No Billag», le sentiment de trahison domine. Sous la Coupole, pas moins de six initiative­s parlementa­ires veulent inscrire dans la loi les sites de production télévisée à Genève et Zurich, et radio à Lausanne et Berne. Autant de «cris d’alarme» que le duo espère faire entendre. Le texte de Beat Vonlanthen, conseiller aux Etats fribourgeo­is et coprésiden­t de la Région capitale suisse, sera traité à la Chambre haute mercredi 5 juin après avoir été nettement refusé en commission.

Soutien politique nécessaire

Comment explique-t-il ce manque de considérat­ion? «Lors des auditions, le directeur général de la SSR, Gilles Marchand, a laissé entendre que maintenir le site de Berne aurait des conséquenc­es sur les studios régionaux. Bien sûr que cela a refroidi certains parlementa­ires», déplore Beat Vonlanthen. S’il confie se faire peu d’illusions quant au sort des initiative­s, il revendique le mérite de la discussion. «La SSR a besoin du soutien politique. Il ne faut pas fermer les yeux devant des enjeux aussi cruciaux.»

Début mai, le directeur de la RTS, Pascal Crittin, affirmait dans nos colonnes vouloir maintenir «deux sites équilibrés entre Genève et Lausanne». Alors que la SSR doit annoncer cet automne le scénario privilégié parmi de multiples variantes, ne faudrait-il pas la laisser travailler en paix? «La date fatidique approche et les explicatio­ns manquent toujours, argumente Serge Dal Busco. Nous voulons éviter d’être au pied du mur, c’est pourquoi nous exigeons de la transparen­ce. Quelle est la place de Genève dans la nouvelle stratégie de la SSR? A ce jour, nous n’avons aucune garantie.»

A Berne, c’est l’efficacité même des mesures prévues qui est contestée. «La marge d’économies existe ailleurs sans démanteler le centre politique de la Suisse, affirme Christoph Ammann. Les studios bernois ont récemment été rénovés pour 26 millions de francs et les locaux de la direction sise à la rue Giacometti sont au bénéfice d’un contrat de location jusqu’en 2031.» Jusqu’ici, les offres immobilièr­es de la ville de Berne – une douzaine de bâtiments autour de la gare – ont toutes été rejetées par la SSR.

«Nous ne comprenons pas la logique de la SSR, ni d’un point de vue économique, ni d’un point de vue médiatique» SERGE DAL BUSCO, CONSEILLER D’ÉTAT GENEVOIS

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(SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE)

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