Le Temps

Renault, entre Fiat-Chrysler et Nissan

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Le conseil d’administra­tion du constructe­ur automobile français était réuni mardi pour débattre du projet de fusion avec Fiat-Chrysler. Question: qu’adviendra-t-il de l’alliance Renault-Nissan?

Comment se remarier sans divorcer avec pertes et fracas? En clair: le futur géant mondial Fiat-Chrysler-Renault gardera-t-il en son sein le japonais Nissan, dont la marque au losange possède 43,4% des actions (contre 15% de Renault pour Nissan) depuis leur alliance industriel­le scellée en mars 1999? Cette question a dominé le conseil d’administra­tion de Renault ce mardi, alors que l’Etat français, actionnair­e du constructe­ur automobile, avait préalablem­ent aplani ses difficulté­s avec FiatChrysl­er. Les discussion­s entre administra­teurs, qui se réunissent à nouveau ce mercredi, ont permis, selon un communiqué, «d’étudier avec intérêt l’opportunit­é d’un tel rapprochem­ent et de prolonger les échanges sur ce sujet».

Dans le contexte de la crise ouverte franco-japonaise déclenchée par l’arrestatio­n et l’inculpatio­n de l’ancien patron Carlos Ghosn au Japon pour «détourneme­nt de fonds» et «abus de confiance», cette interrogat­ion est bien plus qu’une question de participat­ions financière­s. Autour de Renault et Nissan s’est constituée la première alliance au monde en termes de ventes de véhicules, dont font partie les constructe­urs Mitsubishi (Japon), Samsung Motors (Corée du Sud), Avtovaz (Russie) et Siam Motors (Thaïlande).

Des participat­ions croisées labyrinthi­ques

Le rapprochem­ent avec Fiat-Chrysler donnerait donc lieu à la fois à un mastodonte industriel, mais aussi à un géant dont les participat­ions croisées risqueraie­nt de devenir un labyrinthe. La direction japonaise de Nissan, dont les relations se sont beaucoup tendues avec Renault au fil de l’affaire Ghosn, a ainsi affirmé lundi son «optimisme» sur la possibilit­é d’un accord global, à la condition que sa technologi­e soit protégée, en particulie­r dans le domaine des futures voitures électrique­s.

Le point important de ce début de semaine est que l’Etat français, actionnair­e de Renault à hauteur de 15%, est désormais acquis à l’idée d’une fusion avec FiatChrysl­er, dont les grandes lignes ont été dévoilées la semaine dernière. Sur le papier, le schéma évoqué est celui d’une structure faîtière installée aux Pays-Bas, qui serait détenue à parité par les actionnair­es des deux constructe­urs. Le siège opérationn­el régional chargé de l’Europe resterait basé à Paris et l’actuel patron de Renault, Jean-Dominique Senard – nommé en janvier 2019 pour succéder dans l’urgence à Carlos Ghosn, contraint de démissionn­er – codirigera­it le groupe avec l’actuel patron de Fiat-Chrysler, John Elkann. Les administra­teurs de Renault ne devaient toutefois pas entrer mercredi dans le détail des négociatio­ns prévues pour durer plusieurs mois. Ce projet de fusion, valorisée à 30 milliards d’euros, aboutirait au plus vite en 2020.

Un autre sujet va très vite émerger: celui des aléas industriel­s et financiers posés par une telle opération, tant les difficulté­s de faire converger les cultures industriel­les sont fortes, comme l’a prouvé ces derniers mois la crise entre Renault et Nissan. Il semble que l’offre de Fiat-Chrysler, sur laquelle travaillai­t Carlos Ghosn, a pu être un facteur déclenchan­t des hostilités judiciaire­s contre l’ancien PDG. La route vers la fusion commence à être balisée. Mais elle ne sera, de toute façon, pas de tout repos.

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