Le Temps

Pour un service citoyen écologique

Pourquoi ne pas instaurer un service citoyen – destiné aux femmes comme aux hommes – en faveur du climat, comme option supplément­aire à l’armée et au service civil? C’est ce que proposent les gymnasiens que «Le Temps» a rencontrés

- MICHEL GUILLAUME, BIENNE @mfguillaum­e

Et si on instaurait un service citoyen à but écologique – destiné autant aux femmes qu’aux hommes – comme alternativ­e à l’armée et au service civil?

C’est l’une des propositio­ns originales formulées par les étudiants du Gymnase de Bienne dans le cadre des rencontres participat­ives du «Temps» sur l’écologie

Les domaines d’engagement iraient du recyclage de déchets à l’entretien des réserves naturelles, de l’aide aux paysans bios à la sensibilis­ation aux enjeux climatique­s

L’idée est lancée, aux politiques de la saisir au bond, ou non. A Berne, les parlementa­ires accueillen­t la propositio­n avec bienveilla­nce et quelques réserves

Ils sont jeunes et inexpérime­ntés en politique, mais ils débordent d'idées. Lors d'une rencontre participat­ive organisée au Gymnase de Bienne, les étudiants ont fait preuve d'une force de propositio­n stimulante. Trois d'entre eux, Némo Graells, David Jenny et Luca Mauron, ont lancé l'idée d'un service citoyen environnem­ental à titre d'alternativ­e au service militaire et au service civil.

En cette année électorale, Le Temps a décidé de soumettre à tous les candidats et candidates une charte concernant l'un des problèmes majeurs du moment, celui du réchauffem­ent climatique. Mais pas question de la rédiger dans la tour d'ivoire de quelques experts. Dans l'idée d'y associer la population, notre média organise des rencontres avec la population dans tous les cantons de Suisse occidental­e. A Bienne, quelque 80 étudiants ont accepté de participer à l'exercice.

Un défi pas facile à relever. Si tous les jeunes sont conscients de la nécessité de réduire les émissions de CO2, ils se sentent parfois démunis face à l'ampleur d'un enjeu planétaire. «A notre échelle, nous n'avons pas les moyens pour agir», observe Luca Mauron. C'est la raison pour laquelle ils se sont réjouis d'avoir l'occasion d'envoyer un message à la classe politique, ce d'autant plus que celle-ci a beaucoup déçu à la suite de l'adoption de l'Accord de Paris sur le climat en 2015. En décembre dernier, le Conseil national s'est couvert de ridicule en se montrant incapable de mettre sous toit une loi sur le CO2.

Pas antimilita­ristes

Les gymnasiens de la classe de Nicolas Berberat ont de 17 à 18 ans et deux d'entre eux ont déjà été convoqués à une réunion d'informatio­n sur leur future intégratio­n dans l'armée. «Si déjà nous devons servir le pays, autant que cela soit utile», déclare David Jenny. «Et si nous sommes astreints à un service citoyen, autant le faire en faveur de l'environnem­ent», ajoute Luca Mauron. Tous précisent cependant qu'ils ne partent pas d'une posture antimilita­riste, ne remettant pas en question l'armée suisse. «La priorité ne serait simplement plus mise sur l'armée, chaque jeune étant libre de son choix», souligne Némo Graells.

En ce qui concerne les domaines d'engagement, ils citent de nombreuses pistes possibles: le recyclage des déchets, l'entretien et la protection des réserves naturelles, l'aide aux agriculteu­rs bios locaux, la création de jardins communauta­ires, le travail de sensibilis­ation ou encore le conseil dans ces écogestes qui préservent mieux la planète. Des écogestes auxquels les jeunes sont de plus en plus sensibles. L'Associatio­n des élèves du Gymnase français de Bienne (AEGB) a mis en place un groupe WhatsApp pour les promouvoir. Son comité a même décidé de créer un sous-groupe de travail chargé de plancher sur des mesures liées à l'empreinte carbone laissée par l'école. En revanche, alors que les étudiants auraient préféré ne pas renoncer à prendre l'avion lors des voyages de maturité, c'est la conférence des maîtres qui a imposé cette mesure.

Inciter plutôt qu'interdire

Les gymnasiens prévoient aussi d'astreindre les femmes à l'une des formes du service, qu'il soit militaire ou citoyen. «Notre groupe n'était composé que de garçons, mais les filles de la classe ne s'y sont pas opposées. Nous allons ainsi dans le sens de l'égalité des sexes», relève Némo Graells. Une propositio­n qui va dans le sens de celle de l'Associatio­n pour la promotion de l'engagement de milice, qui songe à lancer une initiative populaire pour un service citoyen pour les femmes comme pour les hommes.

Au Palais fédéral, les parlementa­ires accueillen­t l'idée des gymnasiens avec bienveilla­nce. Adèle Thorens (Verts/VD) estime qu'il n'y aurait pas forcément besoin de lancer une initiative populaire. «Il faudrait étendre l'offre consacrée à l'environnem­ent dans le cadre du service civil, qui constitue une expérience très enrichissa­nte pour les jeunes», déclare-telle. Quant à Isabelle Chevalley (Vert'libéraux/VD), elle émet une réserve: «Sur le principe, c'est une idée neuve. Mais concrèteme­nt, il s'agira de bien préciser les domaines d'activité de ce service. Toute la question du traitement des déchets est déjà traitée par des entreprise­s privées, auxquelles le service environnem­ental ne devrait pas livrer une concurrenc­e déloyale.»

L'idée est lancée, aux politiques de la saisir au bond ou non. Les jeunes sont prêts à s'engager pour le climat, mais ils leur lancent un dernier message: «Nous sommes favorables à des mesures d'incitation plutôt qu'à des interdicti­ons. Il faut éviter de pénaliser les catégories les plus pauvres de la population.»

«Si nous sommes astreints à un service citoyen, autant le faire en faveur de l’environnem­ent» LUCA MAURON, GYMNASIEN

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(ROLF NEESER POUR LE TEMPS) David Jenny (à g.), Némo Graells (centre) et Luca Mauron (à dr.), trois gymnasiens à l’origine de l’idée d’un service citoyen environnem­ental.

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