Le Temps

Bruxelles active ses outils pour ramener Rome dans les clous budgétaire­s

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

La Commission envisage d’ouvrir contre Rome une procédure pour déficit excessif en raison de sa dette galopante. La troisième économie de la zone euro inquiète aussi par les incertitud­es politiques. Les Etats membres pourraient donner un premier avis la semaine prochaine

Il y a les petits écarts et les claires déviations de route. Si elle avait pu être patiente fin 2018, la Commission européenne a décidé de passer à l'acte et a demandé mercredi aux autres Etats membres s'il n'était pas désormais temps d'ouvrir contre Rome une procédure pour déficit excessif sur le critère de sa dette.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: la dette italienne qui s'élevait déjà à 132,2% du produit intérieur brut (PIB) italien en 2018, contre 131,4% en 2017, continue d'augmenter dangereuse­ment et, selon l'exécutif bruxellois, elle pourrait passer à 133,7% en 2019 et à 135% en 2020.

Mais, surtout, Rome s'est aussi écarté de ses objectifs en termes de déficit structurel, accusant pour 2018 une aggravatio­n de 0,1 point du PIB quand elle était censée le réduire de 0,3 point. Une combinaiso­n de chiffres, associée à des taux d'intérêt qui n'ont cessé d'augmenter ces derniers jours, qui l'ont poussée à agir. Facteur aggravant: des incertitud­es politiques majeures avec une coalition qui se dispute les mesures coûteuses les plus populaires.

Pour le vice-président chargé du dossier, le Letton Valdis Dombrovski­s, le pays paie maintenant pour le service de sa dette «autant que pour son système éducatif». Il a fait de «mauvais choix budgétaire­s» qui nuisent au pays, à la confiance des investisse­urs mais aussi à la croissance (0,1% au premier trimestre 2019). «Tous les signaux sont au rouge», a-t-il résumé.

Pas question de laisser les choses s’aggraver

Or l'Italie n'est pas la Grèce et, concernant la troisième économie de la zone euro, pas question de laisser les choses s'aggraver. Ni de permettre au pays de s'éloigner des règles du Pacte de stabilité, comme l'a menacé Matteo Salvini. «Pourquoi avons-nous créé ce Pacte? Parce que des évènements dans un Etat membre ont des effets sur les autres», a sobrement rappelé le Letton.

Le secteur bancaire italien est par exemple en ligne de mire, détenant une bonne partie de cette dette italienne et ne pouvant ainsi plus investir dans d'autres secteurs de l'économie italienne, mais d'autres banques de la zone euro sont aussi sur place.

Quant au projet de Matteo Salvini de mettre sur pied une sorte de monnaie parallèle, le «mini-bot» (des mini-bons du Trésor pour solder ses arriérés auprès de ses créanciers), que le parlement italien vient de soutenir dans une résolution non contraigna­nte, la Commission veut croire qu'il ne verra pas le jour et qu'il relève davantage d'une rhétorique politique. Vu de Bruxelles, il alourdirai­t en tout cas davantage cette dette et viendrait compliquer encore l'équation.

Car à ce stade, la Commission ne semble pas voir quelles mesures budgétaire­s l'Italie pourrait prendre. Rome assurait encore il y a quelque temps que ses mesures sur le revenu de citoyennet­é ou sa réforme sur les pensions coûteraien­t peut-être moins cher que prévu. Mais cela ne suffirait pas a priori. Le commissair­e européen Pierre Moscovici a certes rappelé mercredi que sa porte était «ouverte» et que le gouverneme­nt italien pouvait toujours venir présenter de nouvelles pistes. Mais la Commission européenne semble surtout maintenant vouloir s'en remettre aux Etats membres et à la pression qu'ils pourraient exercer sur Rome.

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