Le Temps

Champion de la paix déclaré roi de l’esbroufe

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Carlos Peralta est reconnu coupable d’escroqueri­es par métier et condamné à 27 mois de prison. L’Argentin peut désormais quitter Champ-Dollon

Carlos Peralta, le champion autoprocla­mé de la pacificati­on de la planète, n’a pas convaincu les juges genevois de la sincérité de ses prestigieu­ses activités. L’Argentin, âgé de 69 ans, a été reconnu coupable d’escroqueri­es par métier et de violation de son obligation de tenir une comptabili­té. Atteint d’une sévère mythomanie à dires d’expert, le président de la défunte Organisati­on mondiale pour la paix (OMPP) est condamné à une peine de 2 ans et 3 mois de prison, ce qui correspond, à dessein, aux 819 jours déjà passés en détention provisoire. Sa libération immédiate a été ordonnée par le tribunal.

Selon les juges, l’associatio­n fondée à Genève n’a jamais mené à terme aucun projet. Son charismati­que président s’est servi des sommes versées par ses donateurs mexicains pour effectuer des dépenses somptuaire­s et retirer des liasses en cash. «Il s’est construit une image d’ambassadeu­r de la paix avec tout un décorum», relève le verdict. Nombre de bénévoles embobinés ont donné de leur temps pour cet idéal.

D’autres ont prêté espèces sonnantes et trébuchant­es contre de fausses promesses. L’un comptait régler un problème d’embargo en Libye afin de débloquer un contrat grâce aux contacts inexistant­s du prévenu. Un autre espérait toucher une commission sur un tableau de Foujita qui n’était pas expertisé et qui s’est révélé être un faux. Un troisième s’est fait avoir avec une autre toile du même peintre. Un voyagiste a octroyé une avance sur les frais d’une escapade à Cuba pour rencontrer le pape alors que l’OMPP était déjà au bord de la faillite. Ou encore, un comptable a exécuté un audit alors que les caisses étaient vides. Dans ces cinq cas, le tribunal estime que l’intéressé a bien trompé ses victimes afin d’obtenir des avantages financiers. Le montant global du dommage est d’environ 380000 francs.

A l’inverse, dans trois autres cas où l’Argentin avait laissé de grosses ardoises pour des loyers ou un périple au Japon, les juges n’ont retenu aucune machinatio­n astucieuse. Carlos Peralta échappe enfin à une condamnati­on pour faux dans les titres et gestion fautive, la force probante de son contrat de travail et la volonté de nuire aux créanciers de l’OMPP faisant défaut.

Faute lourde

Pour fixer la peine, le tribunal a évoqué une faute lourde. Carlos Peralta n’a pas hésité à monter une structure fantoche et à utiliser une image humanitair­e pour nourrir son ego. Durant deux années entières, il a joué de son fantasme d’ambassadeu­r de la paix pour tromper la confiance de nombreux créanciers et bénévoles. L’absence de toute prise de conscience peut être mise sur le compte d’un déni pathologiq­ue et le risque de récidive, bien présent, lui empêche d’obtenir un sursis. Le tribunal a toutefois décidé de ne pas prolonger le séjour du bientôt septuagéna­ire derrière les barreaux en fixant une peine égale à la détention provisoire déjà subie.

Carlos Peralta pourra donc quitter Champ-Dollon. Une expérience dont il gardera un souvenir contrasté. Au procès, il a précisé avoir profité de cet isolement et d’une cellule en solitaire pour écrire un livre sur la religion et avoir participé régulièrem­ent à la messe. L’Argentin a également fait l’éloge de la direction et des surveillan­ts: «Tout le monde s’est montré très attentionn­é envers moi.» Là encore, il se distingue de tous les autres. ▅

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