L’OPEP et la Russie scellent leurs fiançailles
Demande morose et boom du schiste américain lui ont forcé la main: l’OPEP a formalisé mardi son rapprochement avec la Russie. Une alliance devenue nécessaire pour conserver son influence sur les cours
Réunis à Vienne, les 14 membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et leurs dix partenaires, dont la Russie, ont approuvé une «charte de coopération» pérennisant leurs relations. Le document doit encore être ratifié par chaque Etat.
Leur alliance, jusqu'alors informelle, remonte à fin 2016: confrontés à l'effondrement des cours du brut, les membres de l'OPEP s'étaient mis d'accord avec un groupe de producteurs tiers, dont la Russie, le Mexique et le Kazakhstan, pour limiter l'offre.
Sans surprise, ces 24 pays, rassemblés sous l'appellation «OPEP+» et qui pompent la moitié du pétrole mondial, ont confirmé mardi reconduire pour neuf mois leur accord visant à réduire leur offre cumulée de 1,2 million de barils par jour (mbj) par rapport à octobre 2018.
Moscou prend l’ascendant
Le suspense était limité: le président russe Vladimir Poutine avait annoncé, en marge du G20 d'Osaka, s'être entendu avec Riyad pour prolonger les baisses de production… avant même les réunions à Vienne.
Et lundi dans la capitale autrichienne, c'est le ministre russe de l'Energie Alexandre Novak qui a dévoilé devant la presse «le soutien unanime» pour une extension jusqu'à mars 2020.
La Russie – deuxième pays producteur derrière les Etats-Unis et devant l'Arabie saoudite – «n'a pas simplement dominé le timing des annonces, elle a carrément contrôlé l'issue de la réunion», réagit John Hall, du cabinet Alfa Energy.
Mais à l'heure où les prix du pétrole restent sous pression, entre offre mondiale abondante et demande en berne, l'OPEP n'a pas d'autre choix que de jouer collectif.
Après une poussée lundi à la faveur des premières annonces de l'OPEP, le baril de Brent valait 62,98 dollars vers 16h GMT, accélérant ses pertes depuis la fin de la réunion de Vienne.
La nouvelle charte établit «une plateforme permettant des rencontres régulières pour surveiller le marché» et réagir en coordonnant plus étroitement la production des Etats membres, s'est félicité Alexandre Novak.
Pour intervenir de façon «efficace», «il fallait un cadre institutionnel […] intégrant l'influence d'autres pays producteurs», a argumenté le ministre saoudien de l'Energie, Khaled al-Faleh, rappelant que «l'OPEP seule, c'est moins de 30% de la production mondiale».
Une vision pragmatique: sans la Russie et les nouveaux alliés, «les Saoudiens auraient perdu la main, et l'OPEP aurait échoué à faire face au boom de la production américaine, obligeant les membres du cartel à des coupes encore plus drastiques» pour maintenir les prix, observe John Hall.
Course à la taille
«Vu leur taille, rien ne peut être approuvé sans la Russie et l'Arabie saoudite», abonde Bjarne Schieldrop, analyste de la banque SEB. «Les Saoudiens savent parfaitement que la taille importe, pointe-t-il. L'OPEP était devenue beaucoup trop petite, mais l'OPEP+ et ses 24 membres, eux, pèsent suffisamment pour influencer le marché pétrolier mondial.»
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«Le Canard enchaîné» révèle ce mercredi que l’ancien premier ministre français décédé, apôtre de la rigueur, avait caché au fisc 11 millions d’euros
Raymond Barre avait un compte non déclaré chez Credit Suisse à Bâle, dont ses héritiers ont attendu 2013 pour régulariser les avoirs, estimés à 11 millions d'euros, auprès du fisc français.
Cette information figure dans l'édition de ce mercredi du Canard enchaîné, qui donne le numéro du compte et a obtenu confirmation de la régularisation tardive par l'avocat des deux fils du premier ministre décédé en 2007, Me Jean-Louis Renaud. L'hebdomadaire satirique ne précise pas, en revanche, la date des dépôts effectués en Suisse par Raymond Barre, qui fut premier ministre de Valéry Giscard D'Estaing de 1976 à 1981, puis maire de Lyon de 1995 à 2001.
Un million d’euros de pénalités
Le fait que des dirigeants politiques français de premier plan aient pu disposer de comptes non déclarés en Suisse, bien à l'abri du secret bancaire en vigueur jusqu'en 2017, n'a rien d'un scoop. L'une des affaires les plus célèbres est celle du compte helvétique de l'ancien ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en appel à quatre années de prison ferme en mai 2018 pour avoir entre autres caché au fisc l'existence d'environ 600000 euros d'abord placés à UBS, puis à la banque genevoise Reyl & Cie, puis à Singapour à la banque Julius Baer.
Un rapprochement existe toutefois entre Cahuzac et Raymond Barre: c'est à la suite des révélations sur le compte de l'ancien ministre par le site Mediapart à la fin de 2012 qu'a été créé le Parquet national financier, et qu'un mouvement massif de régularisations fiscales a eu lieu. Les fils de l'ancien chef du gouvernement – dont l'épouse Eve est décédée en 2017 – auraient alors déclaré leur «magot» aux services fiscaux et acquitté près de 1 million d'euros de pénalités selon Le Canard enchaîné.
L'hebdomadaire est connu pour ses révélations fiscales. En janvier 1972, Le Canard avait publié la feuille d'impôt de Jacques Chaban-Delmas, alors ancien premier ministre, démontrant que ce dernier n'acquittait pas d'impôt sur le revenu. Une affaire qui handicapa sa candidature à la présidence deux ans plus tard.
Dans le cas de Raymond Barre, longtemps surnommé le «meilleur économiste de France», la publication du fac-similé du courrier adressé par le fisc à sa famille en 2015, mentionnant l'existence d'un compte à Credit Suisse, garni en 2007 de 6786745 euros, est surtout un rappel de pratiques passées. Après la décision du Conseil fédéral d'abandonner le secret bancaire en mars 2009, la Confédération a depuis 2017 mis en oeuvre l'échange automatique d'informations avec la France et les autres pays de l'OCDE.
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Avec l’aide de Moscou – deuxième producteur mondial – et des autres pays tiers, l’OPEP représente la moitié du pétrole extrait autour du globe.