Le Temps

Sauver le climat, par pertes et profits

- RACHEL RICHTERICH t @RRichteric­h

Il était temps. Pointée pour être l’une des principale­s causes du dérèglemen­t climatique, émettrice de près d’un quart des émissions totales de CO2 entre 1990 et 2017, l’industrie se définit aujourd’hui comme étant «une partie de la solution».

Tels sont les termes utilisés par les faîtières des machines (Swissmem), de la chimie (Scienceind­ustries) et du ciment (Cemsuisse). Réunis autour d’une table à Berne début juillet, leurs représenta­nts ont vanté les efforts déployés par leurs secteurs d’activité respectifs pour la réduction de ce gaz à effet de serre, chiffres à l’appui: 60% d’émissions en moins depuis le début des années 1990. Ils ont également formulé des objectifs tout aussi ambitieux pour la décennie à venir, qui seront atteints à grand renfort d’innovation­s.

Ont-ils été émus par la menace de disparitio­n qui plane sur quantité d’espèces vivantes en raison du dérèglemen­t de leurs écosystème­s? Ou par le déplacemen­t de plus de 25 millions de personnes ces dix dernières années, en raison de la montée des eaux liée à la fonte des glaces? Ou encore par l’augmentati­on du nombre de catastroph­es naturelles dans certaines régions? Ont-ils été effrayés par la perspectiv­e de voir le nombre de ces réfugiés climatique­s décupler d’ici au milieu du siècle?

On a surtout le sentiment que les entreprise­s n’ont plus le choix. Les étés caniculair­es se systématis­ent et commencent à enrayer la routine de leurs sites industriel­s. Ces températur­es extrêmes empêchent ponctuelle­ment certaines usines de tourner à plein régime. Les épisodes de sécheresse se multiplien­t et font baisser le niveau des cours d’eau. En filigrane se dessine la menace d’un black-out généralisé, un scénario de panne prolongée d’électricit­é dont le coût a été estimé entre 2 et 4 milliards de francs par les autorités. Les renchériss­ements ponctuels du prix du courant liés à cette baisse du niveau des eaux en seraient les premiers frémisseme­nts, selon certains experts. Les conséquenc­es sur les bilans des entreprise­s sont encore de l’ordre de l’anecdotiqu­e. Mais devant la multiplica­tion à venir de ces épisodes météorolog­iques extrêmes, peut-être craignent-elles, à terme, de ne plus pouvoir rétribuer leurs actionnair­es.

Peut-être. Mais tant pis. Peu importe finalement si c’est d’abord pour réduire ses coûts de production que l’industrie se dote d’installati­ons plus efficiente­s sur le plan énergétiqu­e. Et tant mieux si certaines PME attrapent au passage quelques opportunit­és dans la lutte contre le réchauffem­ent.

Pourvu que cette menace financière s’avère aussi grave que celle qui plane sur l’ensemble des écosystème­s vivants et qu’elle pousse l’économie à assumer sa responsabi­lité environnem­entale en abandonnan­t une vision des affaires binaire et, surtout, éculée, dictée par la croissance du chiffre d’affaires et les profits. Et vite. Le mercure devrait de nouveau dépasser les 30 degrés la semaine prochaine.

Assumer sa responsabi­lité environnem­entale

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