Le Temps

Un nouveau seuil pour les retraités français

Chargé du projet de réforme des retraites, l’ancien ministre français Jean-Paul Delevoye préconise une uniformisa­tion des régimes et un allongemen­t de deux ans de la durée légale du travail pour obtenir une pension à taux plein

- RICHARD WERLY, PARIS t @LTwerly

Deux petites années supplément­aires. Jusque-là, le seuil des 62 ans pour obtenir – dans la majorité des cas – une retraite à taux plein en France semblait devoir tenir bon. Las. Jean-Paul Delevoye, l’ancien ministre chiraquien, s’est résolu à repousser l’échéance à 64 ans.

Cette recommanda­tion est l’une des principale­s mesures énoncées dans son rapport sur la réforme des retraites présenté jeudi 18 juillet et destiné à nourrir le futur projet de loi attendu en débat au parlement au printemps 2020. Point important: cette réforme des retraites promise par Emmanuel Macron durant sa campagne présidenti­elle ne prendra effet, une fois votée, qu’en 2025, soit trois ans après l’expiration du premier mandat de l’actuel président. Elle ne concernera par ailleurs que les Français nés après 1963.

Le système français de retraite par répartitio­n, assuré par la sécurité sociale, est alimenté par les cotisation­s des actifs. Des assurances privées «complément­aires» peuvent être contractée­s pour obtenir un complément de revenu. Le déficit du régime général de la Sécu française devrait encore atteindre 1,7 milliard d’euros en 2019, après 1,2 milliard d’euros en 2018, ce dernier chiffre témoignant d’un redresseme­nt trop passager.

Une méthode inaugurée par Emmanuel Macron

Sur la question de l’âge de la retraite, Jean-Paul Delevoye a procédé comme Emmanuel Macron l’avait fait en 2017 avec le «marqueur social» des 35 heures hebdomadai­res de travail. L’âge minimum légal pour cesser de travailler demeurera bien fixé à 62 ans. Mais il faudra attendre d’avoir 64 ans pour jouir d’une pension à taux plein.

Tout comme il est aujourd’hui possible pour les entreprise­s et les employés – grâce aux cinq ordonnance­s adoptées voici deux ans pour réformer le marché de l’emploi – de contourner les 35 heures, ce seuil sera avant tout indicatif. Un «bonus-malus» sera institué: les retraités partis entre 62 et 64 ans devront accepter une «décote» d’environ 5% du montant de leur pension. Le rapport propose en revanche d’instaurer une retraite «plancher» pour tous, afin de lutter contre la précarisat­ion croissante des retraités les moins nantis.

La précarité des personnage­s âgées, sujet sensible

Il ne sera pas possible de percevoir moins de 85% du SMI, le salaire minimum, qui s’établit aujourd’hui à 1522 euros avant charges sociales et impôts, soit 1171 euros net. Cela revient donc à tenir la promesse d’Emmanuel Macron, qui avait évoqué, lors de sa conférence de presse d’avril, une retraite plancher de «1000 euros pour tous». La précarité des personnes âgées à faible revenu a été, de novembre à mai, l’une des composante­s de la colère des «gilets jaunes» en province. Cette catégorie sociale, à l’origine favorable au chef de l’Etat, a depuis pris ses distances avec lui, selon les sondages.

La philosophi­e de cette réforme est, pour l’heure, moins de faire économiser de l’argent public de façon massive que de simplifier catégories, régimes spéciaux et procédures. Si les propositio­ns de Jean-Paul Delevoye sont suivies par le gouverneme­nt, puis par les parlementa­ires, un régime unique à points, capitalisa­nt sur l’intégralit­é de la carrière de l’employé (et non seulement sur ses 25 dernières années d’activité), verra le jour.

La porte reste toutefois ouverte pour des catégories d’emplois spécifique­s, comme les infirmière­s ou les policiers, qui pourront encore partir dès l’âge de 60 ans, et bénéficier d’un compte «pénibilité». Quinze millions de retraités français perçoivent une prestation du régime général et 3 millions bénéficien­t de la quarantain­e de régimes spéciaux que le gouverneme­nt souhaite abroger (SNCF, industrie électrique et gazière…), certains permettant une cessation d’activité à partir de 55 ans. L’actuel Conseil d’orientatio­n des retraites pourrait être remplacé par une «assemblée générale» de citoyens destinée à représente­r l’ensemble des acteurs concernés.

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(KENZO TRIBOUILLA­RD/AFP) Jean-Paul Delevoye arrive à sa présentati­on à la presse avec la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

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