Le Temps

L’accueil des migrants mineurs non accompagné­s sous le feu des critiques

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

Un collectif d’associatio­ns dénonce la prise en charge des jeunes isolés, qu’ils soient requérants d’asile ou non, et demande la fermeture du foyer de l’Etoile, où un suicide a eu lieu en mars dernier

Les critiques pleuvent sur la prise en charge des migrants mineurs à Genève. Alors que les associatio­ns actives dans le milieu de l’asile dénoncent des conditions d’accueil indignes, deux tiers des collaborat­eurs du foyer pour requérants mineurs de l’Etoile, où un suicide a eu lieu en mars dernier, alertent les autorités. Tous sont d’avis qu’il faut fermer le site au profit de petites structures plus adaptées. Et réclament un dialogue urgent avec le Conseil d’Etat.

Le sort des mineurs non accompagné­s (MNA) et des requérants d’asile mineurs (RMNA) suscite de vives préoccupat­ions depuis des mois. Début mai, une dizaine d’associatio­ns se sont réunies pour discuter des conditions d’accueil de ces adolescent­s peu ou prou livrés à eux-mêmes et logés dans des structures inadéquate­s. Le résultat de ces assises, dévoilé mardi, réaffirme la nécessité d’offrir un «hébergemen­t, un accueil et un encadremen­t appropriés en fonction de la vulnérabil­ité des jeunes».

«Combien, parmi ces mineurs et jeunes majeurs, quel que soit leur statut, disparaiss­ent des radars à cause de la politique des autorités? dénonce Dario Lopreno, représenta­nt du collectif des Assises. Où et comment finissent-ils, tandis que le Conseil d’Etat et la majorité du Grand Conseil se bouchent les oreilles et ferment les yeux?» Sans avoir reçu les actes des Assises de manière officielle, le Départemen­t de l’instructio­n publique ne commente pas et se contente de rappeler que l’accueil des MNA va être entièremen­t revu dès cet automne, avec l’ouverture d’un centre d’hébergemen­t dédié, associé à un encadremen­t de jour.

«Epuisement et instabilit­é»

Au foyer de l’Etoile, qui héberge des mineurs ayant déposé une demande d’asile, les préoccupat­ions sont tout aussi vives. Dans une lettre ouverte adressée à la Commission des affaires sociales, une vingtaine d’éducateurs dénoncent une «souffrance générale» et les «impasses auxquelles ils se heurtent dans l’accompliss­ement de leur devoir profession­nel». «Le suicide d’un jeune est l’événement redouté, mais pas incompréhe­nsible, qui suit quatre années d’épuisement et d’instabilit­é», détaille le courrier. Aux yeux des signataire­s, le foyer à «taille inhumaine», régi par une «vision institutio­nnelle inadéquate» et un «management unilatéral» ne permet pas d’assurer l’encadremen­t socio-éducatif nécessaire.

La députée d’Ensemble à gauche Jocelyne Haller, présidente de la Commission des affaires sociales, compte prendre ce «signal d’alarme» très au sérieux. «En matière de social, on ne peut plus fermer les yeux sur les dérives d’un système aux moyens toujours plus réduits qui ne met pas les besoins des usagers au premier plan.» Elle précise que le courrier sera examiné dans le cadre du rapport de gestion de l’Hospice général. La commission a par ailleurs accepté trois motions, dont l’une demande que ce soit la Fondation officielle de la jeunesse (FOJ), et non plus l’Hospice général, qui s’occupe des mineurs migrants: «Ces jeunes souvent traumatisé­s ont besoin d’un encadremen­t spécifique.» Les trois textes sont à l’ordre du jour du Grand Conseil cette fin de semaine.

«Améliorati­ons possibles»

Chef du Départemen­t de l’action sociale, Thierry Apothéloz reconnaît que des «améliorati­ons sont possibles», même si des efforts importants ont déjà été fournis dans le domaine de la prise en charge des RMNA. «Le futur centre d’hébergemen­t d’Aïre, pensé spécifique­ment pour les RMNA tant dans son architectu­re que dans son dispositif d’accueil, permettra de doter notre canton d’une infrastruc­ture humaine et adaptée aux mineurs, ajoute le magistrat. J’espère que ce centre, qui fait l’objet de recours, verra le jour le plus rapidement possible.»

«Manque de proximité»

En février 2018, la Cour des comptes a effectué un audit sur le foyer de l’Etoile. Elle y relevait la nécessité de mener une «réflexion plus globale» quant à la prise en charge de cette population dans une «logique pérenne» et pas seulement de «gestion de crise». «Avant toutes choses, il a fallu affirmer que les mineurs requérants étaient des mineurs comme les autres et qu’à ce titre ils avaient droit à la même prise en charge», rappelle François Paychère, président de la Cour.

«A l’origine, ce centre n’était pas prévu pour accueillir des mineurs mais des familles. On a constaté un manque de proximité entre les jeunes et les éducateurs, ainsi que des problèmes de bruit – il était impossible de faire ses devoirs dans le calme –, d’hygiène et d’insécurité.» Dans le cadre de la présentati­on de son rapport annuel fin septembre, la Cour des comptes examinera le suivi de ses recommanda­tions dans ce dossier.

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Dans une lettre ouverte, une vingtaine d’éducateurs dénoncent une «souffrance générale»

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