«Aucun changement d’identité ne peut faire oublier un scandale»
A l'occasion de la présentation du nouveau logo de Volkswagen et du lancement d'une nouvelle gamme de voitures électriques, le conseiller en marketing Jürgen Gietl analyse le travail de rédemption du constructeur, quatre ans après le Dieselgate
Volkswagen a dévoilé lundi soir son nouveau logo, en deux dimensions, à trois jours de l'ouverture du Salon international de l'automobile de Francfort (IAA). Le constructeur allemand a aussi présenté sa nouvelle ID.3, voiture électrique de la taille d'une Golf, symbole de son changement de stratégie, quatre ans après les révélations du Dieselgate. Ce modèle sera disponible en Europe début 2020 pour moins de 40 000 euros, avant le lancement d'un modèle plus petit pour moins de 30 000 euros. «L'ID.3 est la voiture qui était attendue de la part de Volkswagen», a déclaré avec satisfaction Herbert Diess, le patron du groupe.
Que signifie ce nouveau branding? Entretien avec Jürgen Gietl, partenaire du cabinet BrandTrust basé à Nuremberg et spécialisé dans le conseil en marque. Il est régulièrement intervenu ces dernières années à l'Université d'art et des sciences appliquées de Lucerne.
Un nouveau logo et une nouvelle stratégie de communication suffiront-ils pour regagner la réputation perdue depuis le Dieselgate? Un nouveau logo à lui seul ne peut y parvenir, c'est évident. Nous observons la volonté chez Volkswagen de marquer un nouveau départ dans une nouvelle époque, notamment digitale. Les logos ne sont pas seulement des signes distinctifs, ce sont aussi des symboles de l'appartenance à une époque, à une attitude. Ils symbolisent aussi une stratégie. Si seul le logo avait été changé, cela n'aurait rien signifié. Mais ce nouveau logo symbolise le début d'une nouvelle ère, d'une nouvelle culture d'entreprise, il accompagne un nouveau modèle d'affaires, une stratégie centrée sur la voiture électrique et sur sa nouvelle ID.3. Ces quatre dernières années, j'ai souvent été très critique mais je pense que, ces derniers temps, la direction a reconnu qu'il fallait changer de culture d'entreprise, d'attitude, mais aussi la technologie et les produits. On ne peut pas attendre d'une entreprise aussi grosse que Volkswagen de se transformer du jour au lendemain. Mais elle est en bonne voie.
Volkswagen présente un logo en 2D au lieu du 3D, et dans ses publicités la place centrale est donnée au client et non plus au produit. L'entreprise retourne-t-elle à une certaine forme de normalité? Oui, c'est ce que l'on remarque. Humilité et modestie sont fondamentales quand on a vécu une telle crise. Il est important de montrer que l'entreprise ne cherche pas seulement à générer des bénéfices, mais qu'elle est également là pour ses salariés et ses clients. A une époque où la technologie et le numérique sont devenus fondamentaux, placer l'humain au centre est important. Est-ce que cela sera mis en pratique? C'est une autre question bien sûr.
A qui s'adresse cette nouvelle stratégie? On sait que les clients chinois n'ont pas été très marqués par le Dieselgate. Aucun changement d'identité ne peut faire oublier un scandale. J'en suis persuadé. Cela marque uniquement l'entrée dans une nouvelle époque et cela compte partout dans le monde, en Chine, en Amérique et en Europe. Avec la digitalisation, nous ne connaissons plus de frontières.
D'une manière générale, que doit faire une entreprise face à une crise telle que le Dieselgate pour améliorer sa réputation? Tout d'abord, il faut reconnaître humblement les erreurs qui ont été faites. Cela n'est pas souvent le cas, par crainte des conséquences financières. Ensuite, regagner la confiance ne passe pas par de nouvelles promesses mais par le fait de tenir celles qui ont été faites. Une période de calme et d'action pour améliorer les performances est donc nécessaire, pour ensuite revenir à une phase de marketing afin de communiquer sur ce qui a été réalisé.
«Il faut reconnaître humblement les erreurs qui ont été faites. Cela n’est pas souvent le cas, par crainte des conséquences financières»
Volkswagen a-t-il réussi cet exercice? On constate deux périodes. Rien n'a été fait durant les deux années et demie qui ont suivi les révélations du scandale. Il a été très difficile pour les différents managers de communiquer. Cela a certainement des raisons juridiques. Depuis l'arrivée d'Herbert Diess à la tête du groupe, en 2018, on a le sentiment que son attitude et son charisme se répercutent sur le message extérieur. Il a présenté une nouvelle stratégie, que je trouve remarquable, avec un nouveau modèle économique. Tout n'est pas encore mis en oeuvre mais la culture du groupe est en train de changer. ▅