Le Temps

NON, NOUS NE FAISONS PAS «LE LIT DES PARTIS DE GAUCHE»

LE LANCEMENT DE LA CHARTE ÉCOLOGIQUE DU «TEMPS», ENVOYÉE AUX CANDIDATS AUX ÉLECTIONS FÉDÉRALES, A PROVOQUÉ HOURRAS ET ÉNERVEMENT­S AUPRÈS DE NOS LECTEURS. FLORILÈGE

- SERVAN PECA

Courroucés ou enchantés. Notre charte de la transition écologique n’a pas laissé nos lecteurs indifféren­ts. Il y en a qui considèren­t que nous n’avons pas été assez transparen­ts et veulent savoir comment les participan­ts à sa constructi­on ont été sélectionn­és. Un lecteur va plus loin et se demande: «Etaient-ils tous des partisans de l’interventi­on de l’Etat, ou a-t-on offert la possibilit­é à d’autres opinions de se faire entendre?» En réalité, les participan­ts n’ont pas été choisis et nous ne savons rien de leur engagement politique. Des patrons, des décideurs et des représenta­nts politiques se sont inscrits au Forum des 100 (entrée payante). Des citoyens de tous bords sont venus (gratuiteme­nt) aux rencontres participat­ives dans les cantons.

Mais la critique va plus loin: «Vous faites le lit des partis de gauche», scande un internaute, sur Facebook. Sa remarque fait écho à une autre question, qui concerne notre devoir de neutralité. Commençons par lui répondre que les enjeux climatique­s ne sont ni de gauche, ni de droite, ni du centre. Ce sont les solutions pour y répondre, qui le sont. L’autre élément de réponse se trouvait déjà dans l’éditorial publié la semaine dernière.

Celui-ci soulignait une différence de taille: nous sommes certes engagés, mais pas militants. Et cette distinctio­n vaut pour les six autres causes que nous défendons. Cet engagement pour le climat ne va pas prendre le pas sur les grands principes journalist­iques auxquels nous adhérons. Et nous continuero­ns par ailleurs de rendre compte de nos doutes. L’article que vous êtes en train de lire en est une première preuve.

STRATÉGIE PARLEMENTA­IRE

Quelques lecteurs s’interrogen­t aussi sur le fond de la charte écologique. Michel Juvet, associé de la Banque Bordier, déplore que les leçons des «gilets jaunes» n’aient pas été retenues. En référence aux manifestat­ions provoquées par la taxe carbone en France, il s’interroge: «Comment éviter que les moins favorisés ne souffrent de la hausse des coûts induite par les mesures proposées?»

Conseillèr­e nationale vaudoise, vice-présidente du groupe parlementa­ire des Verts, Adèle Thorens a répondu aux 30 points de la charte. Mais dans un courriel, elle évoque les limites de l’option de réponse «oui +», qui engage les candidats à faire davantage qu’adhérer à une idée en lançant personnell­ement une interventi­on ou une initiative parlementa­ire sur un sujet.

Adèle Thorens lève un bout de voile sur les méandres stratégiqu­es du parlement. «Il arrive qu’il soit plus intelligen­t de faire déposer une demande par un outsider ou par un représenta­nt du centre. Par exemple, je fais une interpella­tion puis ils enchaînent avec une demande formelle basée sur la réponse à mon interpella­tion. Ou je fais une demande forte, eux une demande plus modérée, qui apparaît d’autant plus modérée qu’elle est comparée à la mienne.» Autre exemple: «Le travail en commission, qui n’est pas toujours visible, ainsi que les négociatio­ns directes avec l’administra­tion sont parfois un bien meilleur moyen de faire avancer les choses qu’une motion ou un postulat.» Mais Adèle Thorens tient à le souligner: «Il s’agit là d’une critique constructi­ve. Je suis très heureuse de votre engagement et je vous félicite pour votre travail.»

«UN SILENCE ASSOURDISS­ANT»

Dans la même veine, signalons aussi cet autre courriel, signé par deux membres de l’associatio­n Grands-parents pour le climat. Ils saluent notre démarche et se félicitent des autres mobilisati­ons. Même s’ils regrettent que celles-ci soient aussi récentes, déplorant «l’assourdiss­ant silence ayant entouré les lanceurs d’alerte de longue date».

C’est vrai, certains de ceux qui s’alarment haut et fort depuis longtemps peuvent se sentir frustrés de ne pas avoir été entendus plus tôt. Mais cette frustratio­n ne doit pas prendre le dessus sur une satisfacti­on: L’urgence climatique figure désormais en bonne place dans la campagne électorale. Y compris pour ceux qui ne veulent pas en parler. C’est précisémen­t l’objectif de la charte écologique.

@servanpeca

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(PETER KLAUNZER/KEYSTONE) La salle des pas perdus au parlement.

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