Le Temps

Un «oui» à l’idée et beaucoup de «mais»

- M. G.

La propositio­n de Swiss Medical Network, qui tire les leçons d’un système devenant trop cher, est accueillie avec intérêt, mais aussi avec beaucoup de réserves

Un nouveau réseau de santé assurant des primes basses à des membres d’accord de se responsabi­liser pour juguler la hausse des coûts! L’idée divise forcément les différents acteurs et experts. Le plus ouvert est Stefan Meierhans, le délégué à la surveillan­ce des prix et membre de la commission d’experts ayant concocté en 2017 les 38 mesures pour juguler la hausse des coûts: «La concurrenc­e entre les modèles est positive. C’est exactement ce que nous voulions avec un article expériment­al dans la LAMal, qui permet de voir si de tels systèmes fonctionne­nt aussi en Suisse.»

Mettre des garde-fous

Sur le constat, tout le monde est d’accord. «Le système suisse actuel contient beaucoup de mauvais incitatifs. Or, le modèle de Kaiser Permanente a pour but d’en supprimer beaucoup», notet-il. S’il trouve la propositio­n de Swiss Medical Network «très intéressan­te», il émet aussi quelques réserves. «Dans ce modèle venu des Etats-Unis, c’est souvent l’employeur qui décide où son collaborat­eur est assuré. Si le membre perd son emploi, la chaîne du réseau de soins peut être interrompu­e brutalemen­t», note-t-il. Dès lors, tout dépendra de la faculté de Swiss Medical Network à capter en Suisse la confiance de ses clients tout en offrant des primes basses.

Le président de la Société médicale de Suisse romande, Philippe Eggimann, se montre plus critique. S’il reconnaît que ce modèle est «novateur et intéressan­t», il ajoute dans la foulée qu’il s’agit de lui mettre des garde-fous. «Il faut des garanties pour s’assurer d’une part que cette organisati­on ne sert pas à drainer les cas vers son propre système hospitalie­r et d’autre part qu’il ne s’agit pas d’une forme de rationneme­nt des soins qui sont indispensa­bles.»

Selon Philippe Eggimann, le modèle est disruptif à trois égards: «Il limite non seulement le choix du médecin et des hôpitaux, mais inclut aussi, sans le mettre en avant, la fin de l’obligation de contracter pour le réseau de soins, qui comprend désormais l’assureur.»

«Plutôt une caisse cantonale unique»

Ce nouveau modèle étant proposé par un groupe de cliniques privées, inutile de préciser que la gauche s’en méfie viscéralem­ent. «Je ne suis pas sûre de bien comprendre les véritables intérêts de trois acteurs de la santé qui ne sont pas des philanthro­pes», s’étonne la conseillèr­e nationale Brigitte Crottaz (PS/VD). La diabétolog­ue lausannois­e doute aussi que les médecins soient séduits par ce modèle, qui supprime la liberté de contracter si chère à l’assuré. «Plusieurs votations ont montré que les Suisses tiennent au choix de leur médecin, quitte à payer des primes un peu plus chères», relève-t-elle.

Sur les failles du système suisse de santé en revanche, Brigitte Crottaz partage plusieurs constats dressés par Swiss Medical Network. «Il est vrai que le système de santé suisse coûte cher en raison des actes inutiles qui sont remboursés par des caisses qui certes contrôlent les factures, mais sans s’interroger sur la pertinence des actes médicaux.» Tout aussi judicieuse: la nécessité de mettre l’accent sur la prévention et la promotion de la santé: «Mais je fais plus confiance à une caisse cantonale unique qu’à un groupe de cliniques privées pour atteindre ce but», conclut-elle.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland