Le Temps

L’opposant hongkongai­s Joshua Wong à Berlin

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

Il est l’une des figures de proue du mouvement de contestati­on des habitants de Hongkong contre Pékin. L’étudiant Joshua Wong tente depuis Berlin de mobiliser les Occidentau­x à la cause des manifestan­ts

Joshua Wong n’est pas venu en Allemagne pour caresser les autorités allemandes dans le sens du poil. Le ton est sérieux, sans compromis… Chemise blanche, blazer gris, visage austère derrière ses petites lunettes rondes, l’opposant de 22 ans regrette ouvertemen­t de n’avoir pu rencontrer Angela Merkel, «une leader politique, dont la parole compte dans le monde», a-t-il répété ces dernières semaines. Même intransige­ance envers les milieux d’affaires allemands, à qui il reproche de privilégie­r la Chine industriel­le au détriment de la métropole bancaire et commercial­e Hongkong. La chancelièr­e allemande, qui était à Pékin la semaine dernière en compagnie d’une importante délégation économique, avait alors refusé de rencontrer les manifestan­ts.

L’étudiant, secrétaire général du parti d’opposition Demosisto, une organisati­on pro-démocratie fondée en 2016 par fusion de deux associatio­ns de lycéens et d’étudiants actifs dans le mouvement dit «des parapluies» de 2014 (marqué par 79 jours d’occupation du coeur financier et politique de la ville), a tout du radical. Engagé en politique à l’âge de 14 ans, ce fils de chrétiens issus de la classe moyenne se dit prêt à mourir pour sa cause. Il a été arrêté à plusieurs reprises par la police hongkongai­se. Sa dernière interpella­tion remonte à dimanche, alors qu’il s’apprêtait à monter à bord de l’avion qui devait l’amener en Allemagne. Incarcéré pendant quelques heures, il avait finalement pu décoller dans la soirée.

Le charismati­que étudiant en sciences politiques polarise. A ses côtés pendant la conférence de presse de Berlin, l’étudiante Glacier Kwong, chemisier de soie à lavallière, veste de tailleur sur maquillage discret, peine à attirer caméras et questions des journalist­es. La tenue, le verbe… tous deux semblent beaucoup plus mûrs que des Occidentau­x du même âge.

A plusieurs reprises au cours de sa conférence de presse, Joshua Wong dénonce les ventes d’armes des puissances occidental­es à la police de sa cité. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis sont visés, mais aussi l’Allemagne. «En ce qui concerne l’Allemagne, nous sommes préoccupés par les fusils et les munitions qui sont vendus à Hongkong. Les chars de la police et les canons à eau sont également fabriqués en Allemagne. Aussi, je pense qu’il est temps que le monde libre se montre responsabl­e face à la brutalité dont fait preuve la police (de Hongkong).»

Malgré l’inégalité des forces en présence, Joshua Wong veut voir en Hongkong «le nouveau Berlin». «Il y a 30 ans, personne n’avait prédit que le mur de Berlin tomberait. Avec notre pression et notre dissuasion, nous espérons simplement faire prendre conscience au monde que les habitants de Hongkong méritent la démocratie», fait valoir le jeune militant.

Pas de rencontre avec Angela Merkel

A quelques centaines de mètres de là, Angela Merkel répond à la même heure aux questions des députés du Bundestag. Son opposition l’interroge sur Hongkong. «L’essor économique de la Chine lui confère un surcroît de responsabi­lités sur la scène internatio­nale», insiste la chancelièr­e. «Au cours de ma visite (à Pékin), j’ai de nouveau souligné que le respect des droits de l’homme nous était indispensa­ble. Cela vaut en général, mais également dans le cas de Hongkong, où nous continuons à considérer que le principe «un pays, deux systèmes» est le bon.»

Joshua Wong n’a pas rencontré la chancelièr­e. Mais il s’est brièvement entretenu avec le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Mass (SPD), provoquant la colère de Pékin qui s’insurge de ce «manque de respect». L’affront est suffisamme­nt grave aux yeux des Chinois pour que l’ambassadeu­r de Chine à Berlin, habituelle­ment des plus discrets, juge nécessaire de convoquer une conférence de presse. Le quotidien à grand tirage Bild, qui a invité Joshua Wong à Berlin, en est exclu.

L’étudiant passera encore quelques jours en Allemagne. Différents rendez-vous avec des députés du Bundestag sont prévus à son agenda. Le 17 septembre, il est attendu pour une semaine à Washington, où différents rencontres sont prévues, là encore avec des députés et des sénateurs américains.

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