Le Temps

Genève plus souple sur les parkings

Le parlement cantonal doit décider s’il veut assouplir la loi qui oblige de compenser les suppressio­ns de parkings en surface par la création de places en sous-sol

- DAVID HAEBERLI @David_Haeberli

Genève étouffe sous le trafic automobile. Le lancement du Léman Express, le 15 décembre, peut théoriquem­ent réduire ce flux de 12% aux heures de pointe, si les frontalier­s délaissent l'automobile pour le rail. Mais ce train ne réglera pas tous les problèmes à lui seul. Une série d'autres mesures doivent renforcer son effet. Depuis son entrée en fonction, le conseiller d'Etat Serge Dal Busco s'ingénie à agencer ce meccano.

Ce jeudi, les membres du Grand Conseil pourraient ajouter une pièce importante au puzzle. Le ministre PDC leur demandera d'assouplir une loi qui veut que chaque place de parking supprimée en surface soit strictemen­t compensée en sous-sol. Avec le libre choix du mode de transport inscrit dans la Constituti­on cantonale, la droite a fait de cette dispositio­n un totem, pour s'assurer que rien ne bouge en défaveur des automobili­stes. Or, cette loi d'airain n'est plus compatible avec les besoins actuels de mobilité.

Fluidifier le trafic est bon pour l’économie

Le parlement issu des élections de 2018 assure une majorité à celui qui réussit à convaincre la gauche et le PDC. Son parti lui étant fidèle, Serge Dal Busco n'aurait théoriquem­ent pas besoin des voix du PLR pour faire passer son texte. Il est pourtant allé les chercher, à force d'arguments qu'il martèle depuis sa prise de fonction: fluidifier le trafic est bon pour l'économie. Le conseiller d'Etat a attaqué le PLR par la face associativ­e.

Des métiers du bâtiment à la vente de détail, en passant par la Fédération des entreprise­s, toutes les associatio­ns profession­nelles ont eu droit à sa visite pour entendre le credo du démocrate-chrétien: la mobilité est un service qui doit être à la dispositio­n de tous. Ceux qui ont une alternativ­e crédible doivent libérer la route. «J'ai la conviction, souligne le conseiller d'Etat, que les entreprene­urs comprennen­t et intègrent ce discours. Les milieux économique­s estiment que ce changement est dans leur intérêt.»

Ce travail de fond commence également à faire son chemin au sein de la plus grande formation du canton. «Historique­ment, mon parti a été très à cheval sur cette règle de compensati­on, admet le député PLR Alexandre de Senarclens, candidat au Conseil national. Mais les lignes bougent. Il y a une prise de conscience de la problémati­que environnem­entale et, en parallèle, des changement­s de mode de transport. Il y a une évolution que j'entends incarner.»

Signe de ce changement: Rolin Wavre, député PLR, soutient une motion écologiste demandant que d'autres voies vertes soient installées rapidement dans le canton. «Lors de nos réunions de parti, évoque celui qui est également vice-président de Pro Velo, il y a beaucoup de bicyclette­s stationnée­s devant notre local. Il se passe quelque chose. Le climat général facilite le travail pour sortir du tout voiture. J'espère y participer.» Jeudi, le PLR devrait donc soutenir le projet de loi du gouverneme­nt.

Treize exemples d’aménagemen­ts bloqués

A gauche également, on accueille favorablem­ent l'assoupliss­ement proposé, vu comme «un pas dans la bonne direction», assure Delphine Klopfenste­in Broggini, membre de la Commission des transports et candidate au Conseil national elle aussi. «Cette loi infernale a empêché très concrèteme­nt des projets d'être menés à bien», regrette la Verte. Le texte soumis au vote jeudi mentionne en effet treize exemples d'aménagemen­ts (voies de bus, pistes cyclables, îlot pour piétons, etc.) bloqués en raison du cadre législatif actuel. «Mais on aurait pu être plus radical, continue-t-elle. Nous aurions préféré que tout projet en faveur de la mobilité douce bénéficie d'une dérogation automatiqu­e.» Son parti va d'ailleurs défendre un texte en ce sens, même s'il soutiendra également le projet gouverneme­ntal.

«Il ne faut pas se satisfaire de la marge de manoeuvre que permettra cette évolution, relance la Verte. Les taux de vacance dans les parkings sous-terrains publics et privés sont monstrueux. Il y a donc de la marge pour remplir ces parkings tout en vidant la surface des voitures qui y stationnen­t.»

Le vote du Parti socialiste est également assuré. «Nous étions opposés à cette loi dès sa création, en 2011, rappelle Thomas Wenger, chef de groupe. Son assoupliss­ement est une bonne chose, mais il faut aller plus loin. Pour mettre en place la loi sur une mobilité cohérente et équilibrée, votée par le peuple, il faut investir dans les transports publics et la mobilité douce. Il sera nécessaire de supprimer des places de stationnem­ent sans aucune compensati­on.» Au point qu'une abolition de la loi scélérate interviend­ra tôt ou tard, projette le socialiste, qui vise lui aussi le Conseil national et pour lequel le PLR fait preuve d'«opportunis­me électoral» dans cette affaire.

«Si la loi passe, nous serons à un tournant, lance Serge Dal Busco. La législatur­e doit servir à faire basculer les mentalités concernant la mobilité. Avec l'inaugurati­on du Léman Express, un changement de paradigme est possible. Il faut tout mettre en oeuvre pour que ce basculemen­t se fasse.»

«Les lignes bougent.

Il y a une prise de conscience environnem­entale et des changement­s de mode de transport» ALEXANDRE DE SENARCLENS, DÉPUTÉ PLR

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(SALVATORE DI NOLFI/KEYSTONE) Le parking souterrain des Gazomètres, à Genève. Un désir de changement se dessine de la gauche au PLR.

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