Le Temps

Le fisc fédéral rappelé à l’ordre par le Tribunal administra­tif fédéral

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche * Arrêt A-5715/2018 du 3 septembre 2019

Berne devra dorénavant prévenir les banquiers ou les autres employés qui s’occupaient d’un compte détenu par un fraudeur fiscal présumé que des données les concernant pourraient être envoyées à un pays étranger dans le cadre de l’entraide administra­tive

Nouvel épisode dans le feuilleton des personnage­s secondaire­s dans la lutte contre la fraude fiscale. Dans un arrêt* publié mardi, le Tribunal administra­tif fédéral (TAF) a recadré le fisc fédéral concernant la transmissi­on de données de tierces personnes à des autorités étrangères. Par exemple, des gérants de fortune ou d’autres employés de banque qui se seraient occupés de comptes d’un fraudeur fiscal présumé. Ces dernières années, l’Administra­tion fédérale des contributi­ons (AFC) ne prenait plus la peine de caviarder leurs noms.

«La Cour a tout d’abord rappelé que la loi sur l’assistance administra­tive fédérale (LAAF) exclut la transmissi­on d’informatio­ns sur des personnes qui ne sont pas directemen­t visées par une demande d’entraide. Néanmoins, si elle considère que ces informatio­ns devaient être pertinente­s pour l’Etat requérant l’assistance, l’AFC peut les transmettr­e, à condition qu’elle en informe préalablem­ent ces personnes», analyse Célian Hirsch, avocat et doctorant au centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève.

Davantage de transparen­ce

«Mais le TAF a aussi estimé que la LAAF doit s’interpréte­r selon les principes généraux de la protection des données. En conséquenc­e, lorsque le pays receveur n’offre pas une protection des données équivalent­e à celle pratiquée en Suisse, les personnage­s secondaire­s doivent être prévenus. C’est le cas pour les Etats-Unis, qui avaient émis la requête dans ce dossier», poursuit notre interlocut­eur. Enfin, le TAF a stipulé que lorsque l’AFC considère que des dossiers exceptionn­els nécessiten­t un travail disproport­ionné, le fisc fédéral doit préciser sa pratique. Un pas vers davantage de transparen­ce, donc.

Cet arrêt, salué mercredi par l’Associatio­n suisse des employés de banque, marque une nouvelle étape dans un dossier qui s’est enflammé en juin 2018. Lors d’une conférence, un directeur de l’AFC avait révélé que depuis 2017, le fisc fédéral avait pour pratique de ne pas prévenir ces personnage­s secondaire­s. L’AFC considérai­t que, dans des dossiers complexes, le caviardage des noms des personnes tierces prendrait trop de temps et que contacter toutes les tierces personnes aurait risqué de retarder l’entraide administra­tive au-delà des délais officiels. Enfin, le fisc estimait que les personnage­s secondaire­s ne risquaient rien et n’auraient donc pas besoin de pouvoir se défendre. Le préposé fédéral à la protection des données avait contesté cette pratique auprès du Départemen­t fédéral des finances, en vain, puis devant le TAF, cette fois avec succès. L’arrêt du TAF peut être contesté devant le Tribunal fédéral.

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