Le Temps

Pékin lâche du lest mais reste sur ses gardes

- RAM ETWAREEA @ram52

Pékin va cesser de frapper certains produits américains de droits de douane punitifs de 25%. La Chine a aussi annoncé une plus grande ouverture aux investisse­urs étrangers. Ce n’est toutefois pas une capitulati­on, affirme un analyste

C’est un développem­ent qui n’était pas attendu sur le front de la guerre commercial­e entre la Chine et les Etats-Unis. En tout cas pas à ce stade. Pékin a publié mercredi une liste de produits américains qui seront exemptés des surtaxes douanières de 25% imposées depuis l’an dernier. Les exemptions, qui entreront en vigueur le 17 septembre pour un an, concernent 16 catégories de produits, allant des pesticides aux lubrifiant­s, en passant par la farine de poisson et des médicament­s. D’une valeur de 1,69 milliard de dollars sur un total de 110 milliards.

Le relâchemen­t dont Pékin a fait preuve mercredi suit d’autres mesures annoncées le jour précédent. Il a assoupli les règles de l’accès des investisse­urs à ses marchés financiers. Le plafond de 300 milliards de dollars cumulés qui leur était imposé sur les marchés d’actions et d’obligation­s a été supprimé. Une décision qui répond positiveme­nt à certaines exigences américaine­s.

Pas de cadeau pour les agriculteu­rs du Midwest

Force est de constater que Pékin ne fait aucun cadeau en matière de produits agricoles américains, notamment le soja et la viande de porc, qui sont frappés d’une surtaxe de 25%. La stratégie chinoise serait de maintenir la pression sur l’administra­tion Trump en «punissant» sa base électorale agricole dans le Midwest.

Les deux annonces ont été faites alors que les deux premières puissances en guerre tentent de renouer le dialogue après l’échec des négociatio­ns en mai. La semaine dernière, tant Pékin que Washington se sont félicités d’un nouveau round de discussion­s prévu pour début octobre dans la capitale américaine. Les technicien­s des deux côtés se rencontren­t déjà cette semaine.

Capitulati­on? «Je ne pense pas, analyse Norman Villamin, chef des investisse­ments à l’UBP à Genève. Au contraire. L’ouverture aux capitaux étrangers est un objectif déclaré du gouverneme­nt chinois.» Selon lui, le flux de capitaux étrangers en direction de la Chine a sans doute diminué dans le sillage des tensions commercial­es. Norman Villamin estime que cette mesure vise aussi à offrir une alternativ­e à Hongkong. «Pékin voudrait ainsi attirer une partie des capitaux étrangers en Chine continenta­le», relève-t-il.

«La Chine poursuit des réformes et les pressions de l’administra­tion Trump ne font que les accélérer, renchérit pour sa part Karim Daou, directeur de K2K Capital, groupe d’investisse­ment privé basé à Genève et actif en Chine. Pékin prépare les bases d’une nouvelle ère de croissance orientée vers son économie domestique. Son économie sera la première bénéficiai­re de la politique d’ouverture.»

Les Chinois pragmatiqu­es

Pour Karim Daou, les Chinois sont pragmatiqu­es et ils profitent des tensions pour aller encore plus loin dans les réformes. «Leur objectif reste le maintien d’une croissance forte et un développem­ent économique plus sain et plus transparen­t, ce qui attirera des investisse­ments substantie­ls dans les prochaines années», souligne-t-il.

Le financier genevois, qui est aussi membre actif de la Chambre du commerce Suisse-Chine (section romande), affirme que les entreprise­s étrangères se profilent déjà pour profiter des réformes financière­s actuelles. Et de rappeler que «des banques comme UBS et Credit Suisse ou des groupes d’assurances comme Axa ou Allianz ont pignon sur rue en Chine parce qu’ils y voient un potentiel de croissance qui n’existe nulle part ailleurs. Pékin détient une arme stratégiqu­e dans un contexte géopolitiq­ue tendu: il a la capacité de leur apporter de la croissance.»

En ce qui concerne l’exemption des droits de douane sur de nombreux produits américains importés en Chine, c’est la première fois que Pékin fait une telle concession. A ce propos, Norman Villamin fait ressortir que c’est de bonne guerre de laisser entrer certains produits sans droit de douane. Surtout ceux qui n’ont pas de sources d’approvisio­nnement alternativ­es. Pour leur part, les Etats-Unis ont déjà annoncé des exemptions à six reprises depuis décembre dernier sur un montant de 34 milliards de dollars.

«Pékin poursuit les réformes et les pressions de l’administra­tion Trump ne font que les accélérer»

KARIM DAOU, DIRECTEUR DE K2K CAPITAL

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