Le lait de la colère
CINÉMA Au coeur de la sombre Islande, une fermière se dresse contre un syndicat corrompu. «Mjólk, la guerre du lait», un film âpre et tourmenté t
Pour faire tourner l’exploitation laitière plantée au milieu de nulle part, Inga fait des journées de vingtquatre heures. La situation se tend encore après le décès de son mari. Mais cette sortie de route est-elle accidentelle ou camoufle-t-elle le suicide d’un homme qui a trahi sa communauté en servant d’informateur à la toute-puissante coopérative agricole?
Fondé en 1893 pour contrôler le marché, le syndicat ressemble désormais au monstre qu’il était censé combattre, exerçant pressions, chantages et boycott des récalcitrants. Inga n’est pas du genre à se laisser intimider par ceux qui viennent l’insulter sous le couvert de la nuit. Elle part en guerre contre les profiteurs, emplâtre de fumier le pare-brise d’un nervi et arrose de lait la façade de la coopérative…
Aucune fioriture
Aux dernières nouvelles, Grimur Hákonarson s’intéressait aux ovins à travers deux frères brouillés depuis quarante ans et obligés de se réconcilier pour sauver leurs bêtes (Béliers, 2015). Il reste dans la campagne hivernale de la sombre Islande pour un nouveau drame paysan, axé sur les bovins cette fois-ci et de nouveau dépourvu de la moindre fioriture. Dans Mjólk, la guerre du lait, la terre est nue, les gens rugueux, l’horizon bouché. Et la précarité financière se double d’une sorte d’accablement métaphysique.
Ce western arctique se caractérise par un langage cinématographique d’autant plus puissant qu’il est économe. Quand les paysans votent pour ou contre la coopérative, la caméra cadre le visage fermé de la pasionaria et les résultats ne sont suggérés que par le bruit des mains se levant. Le happy end est inconnu en Islande. Toutefois, le film se conclut sur une route qui conduit à l’exil mais aussi à l’avenir.
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VV Mjólk, la guerre du lait, de Grimur Hákonarson (Islande, 2019), avec Arndís Hrönn Egilsdóttir, Daniel Hans Erlendsson, 1h30.