Le Temps

Renaud Gautier condamné à 3 ans de prison, dont 1 an ferme

L’ancien président du parlement est reconnu coupable d’avoir détourné environ 4 millions de francs pour assurer son train de vie. Les juges estiment que ce gestionnai­re de fortune et homme politique disposait de toutes ses facultés au moment d’agir

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Figure de la politique genevoise, Renaud Gautier est condamné à 3 ans de prison, avec une partie ferme de 12 mois. Le Tribunal correction­nel estime que le prévenu a commis une faute grave en siphonnant les comptes de ses proches pour assurer son train de vie. Son attitude est d'autant plus blâmable, ajoute le verdict, «qu'il a agi en qualité de gérant de fortune et qu'une confiance particuliè­re était placé en lui en raison de son activité d'homme politique qui prônait rigueur budgétaire et hautes valeurs morales».

La présidente Sabina Mascotto a annoncé la couleur en précisant que la motivation orale du jugement serait longue et détaillée. Et cette lecture commence plutôt bien pour Renaud Gautier. Un grand ménage est opéré dans l'acte d'accusation. Le montant de l'escroqueri­e commise au préjudice du chanteur Bernard Lavilliers est revu à la baisse, de même que le nombre de retraits coupables effectués sur le compte de la désormais défunte tante (114 au lieu de 141 pour un total de 3,2 millions de francs).

Surtout, le volet concernant la gestion des comptes de ses cousins, argent investi dans des hedge funds spéculatif­s, est classé faute de volonté d'enrichisse­ment illégitime. L'ancien député PLR est par contre coupable d'avoir caché à ces mêmes cousins le fait d'avoir touché des rétrocessi­ons de quelques milliers de francs, lesquelles n'étaient pas liées à ces placements hasardeux. En comptant les détourneme­nts au préjudice de la Fondation pour l'agrandisse­ment du MAH et l'argent d'un client, le tribunal conclut que Renaud Gautier s'est finalement enrichi de quelque 4 millions.

Brouillard inexistant

Les choses se corsent lorsque les juges, qui se sont mués en psychiatre­s, balayent les conclusion­s mais aussi le diagnostic de l'expert. Le fait que Renaud Gautier a été affecté par le décès de sa fille, qu'il n'a pu se laisser aller à son chagrin et que son hyperactiv­ité profession­nelle et politique s'est aggravée après le drame, n'est pas remis en question. Le tribunal n'est toutefois pas convaincu que le notable souffrait d'une dépression sévère au moment des faits. «Cela n'est pas compatible avec la réalité de sa vie à l'époque», souligne le verdict en rappelant son projet en Namibie, son nouveau mariage, la naissance de deux enfants et son implicatio­n politique.

La thèse selon laquelle Renaud Gautier ne pouvait pas totalement s'empêcher de puiser dans les comptes est ainsi écartée et sa responsabi­lité est jugée pleine et entière. Les juges estiment que le clivage observé correspond finalement à la double vie de tout gérant de fortune qui se sert dans les comptes après avoir mené une existence irréprocha­ble. De même, le brouillard invoqué ne colle pas avec la systématiq­ue des retraits qui servaient à payer les dépenses courantes. «D'ailleurs, lorsqu'il en avait les moyens, il s'en passait», relève la décision.

Cette pleine responsabi­lité aurait pu faire grimper la peine. Le procureur Yves Bertossa suggérait 6 ans pour ce scénario. Le tribunal n'est pas de cet avis. Même si la faute est grave, le dommage très important et la volonté délictuell­e intense, Renaud Gautier a bien collaboré – «il ne faut pas minimiser la portée de l'auto-dénonciati­on» – et a exprimé des regrets sincères en audience. Les juges ajoutent que trois lésés, dédommagés, ont retiré leur plainte. Et la tante, qui a maintenu Renaud Gautier comme exécuteur testamenta­ire, n'a jamais voulu l'accabler. «Les détourneme­nts n'ont pas eu d'effets dramatique­s sur elle», souligne enfin le verdict.

Pour l'ensemble de ces raisons, les juges estiment que Renaud Gautier, 67 ans, sans antécédent­s et sans risque de récidive, peut bénéficier d'une peine compatible avec un sursis partiel. L'affaire est loin d'être finie pour cette famille déchirée qui devra aussi régler ses comptes devant le juge civil. ▅

Renaud Gautier a bien collaboré et a exprimé des regrets sincères en audience

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland