Le Temps

A la BCV, l’euro n’a presque pas tremblé

MONNAIES Les traders en devises de la salle des marchés de la Banque cantonale vaudoise étaient aux aguets ce jeudi. Ils avaient rendez-vous à 13h45 pile avec Mario Draghi et la BCE

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @EtienneMey­Va

«On ne sait vraiment pas à quoi s’attendre, les intervenan­ts ne sont pas d’accord entre eux», affirme Nicolas Tissot, responsabl­e du trading des devises de la Banque cantonale vaudoise (BCV). Située au 4e étage du Centre administra­tif bancaire à Prilly, la salle des marchés de la BCV connaît un calme relatif ce matin du jeudi 12 septembre. «Jusqu’à 13h45, et l’annonce de la BCE, ça devrait être calme», ajoute-t-il.

Pas de dispositif particulie­r pour cette journée, comme ça a pu être le cas lors des élections américaine­s ou du Brexit. Au cours de l’été, les attentes autour des annonces de la Banque centrale européenne ont peu à peu évolué. «Il y a d’abord eu un consensus prévoyant une action forte, puis des avis discordant­s disant qu’il ne se passerait rien sont apparus», analyse Nicolas Tissot.

Comme un compte à rebours

La salle des marchés de la BCV accueille 80 collaborat­eurs dont 25 cambistes, comme on appelle les traders qui se consacrent à l’échange des devises. Ces derniers traitent chaque jour environ 300 opérations représenta­nt 3,5 milliards de francs pour le compte de 480 clients. Sur le marché mondial des devises, il s’en échange pour 5000 milliards de francs quotidienn­ement.

Au fur et à mesure que l’heure des annonces de la BCE se rapproche, la salle des marchés prend l’allure d’un centre de contrôle avant le lancement d’une fusée. Les cambistes ont les yeux rivés sur quatre, cinq, jusqu’à six écrans. De temps en temps, une annonce lancée d’une voix forte fuse par-dessus les tables. «Tu reçois du dollar (contre franc suisse)!» Nicolas Tissot s’empare de sa souris, il revend les dollars sur le marché en quelques clics.

A la Banque nationale suisse (BNS), ils sont sans doute plusieurs à être au poste, eux aussi, prêts à passer à l’action – à revendre du franc contre de l’euro, du dollar ou d’autres monnaies, en cas de forte appréciati­on de la monnaie helvétique. C’est ce à quoi s’échine la BNS depuis huit ans.

Il est 13h44. Une minute avant la publicatio­n des mesures de la BCE, l’atmosphère se tend à Prilly. Des écrans de télévision diffusent CNBC. En quelques secondes, les chiffres sur les écrans s’affolent. Les spreads, la différence entre les prix d’achat et de vente d’une monnaie, augmentent subitement. Une voix annonce une baisse des taux directeurs de 10 points de base. Une légère frénésie s’empare des traders.

«L’euro s’est apprécié dans un premier temps, puis les gens ont lu la déclaratio­n de manière plus approfondi­e et il est reparti à la baisse», détaille Nicolas Tissot. Le tout a duré trois minutes tout au plus. «Ça ne sert à rien. Qu’ils annoncent 100 milliards de «Quantitati­ve Easing» par mois ou autre, il n’y a plus rien à acheter de toute façon», commente un cambiste, en référence au nouveau programme de rachat d’actifs également annoncé par la BCE.

L’activité se calme un peu en attendant la conférence de presse de Mario Draghi, qui doit avoir lieu à 14h30. Les traders surveillen­t aussi les réactions aux annonces. Quelques minutes après la publicatio­n, Donald Trump tweete son mécontente­ment, fustigeant la politique de la BCE et enjoignant à la Réserve fédérale (Fed) d’abaisser ses taux également. Au fur et à mesure des déclaratio­ns du président de la BCE, les taux de change varient de nouveau. Sur les écrans, des transactio­ns s’opèrent automatiqu­ement. Quelques téléphones sonnent. «Nous avons eu relativeme­nt peu de demandes de nos clients, résume Nicolas Tissot. Pour le moment, les annonces ont un effet négatif sur l’euro, mais on reste dans les limites de ce que l’on a pu observer depuis début septembre. Les gens attendent de voir comme cela va évoluer dans la semaine et vont commencer à spéculer sur la réaction de la BNS.» Celle-ci pourrait agir la semaine prochaine, le lendemain de la réunion de la Fed.

En attendant la BNS

A la fin de la conférence de presse, l’euro a quasiment retrouvé le même niveau par rapport au franc qu’avant les annonces. Depuis une semaine, il est resté dans une fourchette située entre 1,08 et 1,10, globalemen­t autour de 1,09. «Je pense que le marché est un peu déçu, commente Nicolas Tissot. Les attentes étaient assez fortes mais, finalement, ce sont des mesures en demi-teinte.» Les traders de la BCV ont désormais rendez-vous jeudi prochain avec la BNS. A 9h30 précises, ils auront les yeux rivés sur leurs écrans.

«Le marché est un peu déçu. Les attentes étaient assez fortes mais, finalement, ce sont des mesures en demi-teinte»

NICOLAS TISSOT, RESPONSABL­E DU TRADING DES DEVISES DE LA BCV

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(EDDY MOTTAZ/ LETEMPS) Dans la salle des marchés de la BCV.
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