Le Temps

L’allemand «minoritair­e» à Berne pendant une journée

Helvetia Latina organise le 26 septembre la première Journée du plurilingu­isme dans l’administra­tion fédérale. Au moment où les propos d’un chasseur de têtes suscitent l’indignatio­n en Suisse romande

- SONIA IMSENG @SoniaImsen­g

«Il n'est pas nécessaire que le futur chef des CFF parle le français.» Ces mots ont été prononcés la semaine dernière par le chasseur de têtes zurichois Werner Raschle, à propos des compétence­s demandées au futur patron de l'ex-régie fédérale. Pour lui, le successeur d'Andreas Meyer a surtout besoin de parler l'allemand, car il «doit convaincre les représenta­nts parlementa­ires et communique­r avec la population».

La deuxième langue nationale ne seraitelle plus nécessaire pour diriger l'une des plus hautes instances fédérales? L'affirmatio­n du recruteur a suscité de nombreuses réactions indignées du côté romand. D'autant plus que, la semaine dernière également, le nouveau chef de l'armée, Thomas Süssli, demandait aux journalist­es de ne s'adresser à lui «qu'en allemand». «Romands, vous n'existez plus», a résumé le journalist­e Jacques Pilet sur le site Bon pour la tête après ces deux épisodes.

Renverser «le poids des langues»

Dans ce contexte agité, Helvetia Latina, l'associatio­n qui se consacre à la défense des langues minoritair­es dans l'administra­tion fédérale, organise la première Journée du plurilingu­isme, le 26 septembre. Cette journée aura lieu dans les départemen­ts et sous la coupole fédérale l'avant-dernier jour de la session parlementa­ire en cours. But de l'opération: rappeler l'importance du multicultu­ralisme en Suisse. «Chaque langue nationale ne représente pas uniquement une succession de mots, mais également une certaine vision du monde», précise le conseiller national Laurent Wehrli (PLR/ VD), syndic de Montreux et, depuis juin dernier, nouveau président d'Helvetia Latina.

Les collaborat­eurs de l'administra­tion fédérale sont encouragés à s'exprimer dans une langue officielle qui n'est pas la leur, à l'exception des employés italophone­s et romanches, «qui pour une fois s'exprimeron­t dans leur langue maternelle». Ce jour-là, l'allemand deviendra «minoritair­e» et les langues latines «majoritair­es». «Il est important que ces langues soient représenté­es au sein de l'administra­tion, notamment à des postes de cadres, explique Laurent Wehrli. Il est aussi important de rappeler l'enrichisse­ment qu'il y aà s'entourer de personnes ne parlant pas la même langue et d'empêcher le mimétisme qui s'opère parfois lors des recrutemen­ts.»

L'administra­tion fédérale prévoit certes des quotas pour garantir une bonne représenta­tivité des quatre langues. L'allemand doit ainsi être représenté à environ 70%, le français autour de 21-23%, l'italien de 6 à 8,5%, le romanche autour de 1%. Des failles à ce sujet sont régulièrem­ent dénoncées par Helvetia Latina.

Lors de cette journée du 26 septembre, outre des activités dans certains départemen­ts fédéraux, les parlementa­ires des deux Chambres sont invités à jouer le jeu et à faire leurs interventi­ons au micro dans une langue nationale qui n'est pas la leur. Certaines inquiétude­s à ce sujet existent, comme chez le conseiller national Martin Candinas (PDC/GR), qui redoute des difficulté­s liées à la traduction d'une interventi­on. Au niveau des mots, mais également des intentions, «chaque langue reflétant une manière d'être et de s'exprimer». La réserve de certains élus s'explique aussi par l'ordre du jour délicat du 26 septembre: ce jeudi-là sera débattue l'initiative populaire pour l'interdicti­on de se dissimuler le visage.

Helvetia Latina souhaite pouvoir réitérer cette journée dans le futur afin d'«ancrer l'importance du plurilingu­isme», mais le bilan de cette première devra d'abord être fait. ▅

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(PARLEMENT.CH/DR) Les quatre lansquenet­s dans le hall du Palais fédéral représente­nt les quatre régions de Suisse et les quatre langues nationales.

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