Le Temps

Chien Bleu, seul au milieu de la foule

- GUILLAUME CAREL @guillaume_carel

MUSIQUE Le rappeur genevois a surpris le public avec une mise en scène originale vendredi dernier dans le cadre de La Bâtie. Que ceux qui l’ont raté se consolent, il repasse ce samedi avec Hamza

Tellement prévisible. Dès les premières notes de basse, le public – qui discutait dans la petite cour devant la Gravière – se presse devant la scène. Le bassiste et le batteur font tourner une instru cloud trap. Des projection­s, des LED et l’inscriptio­n Chien Bleu au centre de la scène diffusent une atmosphère planante. Tout est prêt pour l’arrivée du MC.

Chien Bleu veut surprendre. En plein milieu du public, une petite plateforme ronde. Personne ne semble l’avoir remarquée. Discrèteme­nt, le rappeur s’installe sur son piédestal. Il n’a pas besoin de parler, sa seule présence suffit. Progressiv­ement, les spectateur­s se retournent. Ceux qui étaient au premier rang se retrouvent derrière. Le chanteur est encerclé. Le concert peut commencer.

De punk à Chien Bleu

Son style détonne. Bombers noir, marcel blanc, on voit que l’ancien chanteur de Sergent Papou n’a pas complèteme­nt renié ses racines punk. Sur son torse, il s’est tatoué un gros chien à trois têtes. «C’est Cerbère, le gardien des Enfers. Il m’aide à gérer mes émotions», comme il nous l’explique à la fin du concert. Sur son bras musclé, un corbeau et un crocodile, le battant ultime, «il a survécu à l’extinction des dinosaures!» On peut dire que le rappeur est en lien avec son animalité. Pour Chien Bleu, le tatouage n’est pas qu’une mode. C’est son métier. Un passionné d’encre, qu’il manie sur la chair et sur le papier.

Sur scène, c’est avec contenance qu’il pose ses textes. Pas besoin d’en faire beaucoup. Sa voix, légèrement cassée et autotunée, perce à travers les infrabasse­s. Pour faire face à un public qui le cerne, il tourne sur lui-même. Quitte à nous tourner le dos parfois.

Dans le morceau Drive, il scande: «Autour de moi, les formes sont vagues, je me sens comme une île.» Ses textes correspond­ent à sa mise en scène. Nous sommes ces vagues. La scène est son île. Le sentiment d’isolement est renforcé avec des chansons comme Satellite ou encore Reflet: «Il pleut ce soir, je vais sortir un peu. […] Sûr de croiser personne. La pluie fait même fuir les dealers de teuteu.» Serait-il solitaire ce Chien Bleu? «Ouais clair. Je sors peu. Je ne vois pas beaucoup de monde. Je suis dans mon univers.»

La métaphore va plus loin. Chien Bleu et ses musiciens portent des oreillette­s. Des écouteurs intra-auriculair­es qui coupent les musiciens du son ambiant et reproduise­nt uniquement le son de la musique qu’ils sont en train de jouer. Plongés dans cette bulle sonore, ils peuvent mieux se concentrer sur leur musique. S’isoler pour mieux communique­r: un paradoxe que l’artiste incarne pleinement.

Un artiste montant

Chien Bleu est l’artiste montant à suivre. Il enchaîne les premières parties depuis plusieurs mois: Jazzy Bazz, L’or du commun et samedi Hamza. «C’est un honneur de jouer avant Hamza. Y a certaines de ses chansons que j’aime écouter en fin de soirée. Et ça me transcende vraiment.»

L’artiste émerge en plein renouveau du rap romand, jusqu’alors monopolisé par la Super Wak, Di-Meh en tête. Ces artistes ont mis la Suisse et Genève sous le feu des projecteur­s. Espérons que cette récente effervesce­nce puisse permettre à d’autres artistes, tels que Chien Bleu, de rayonner au-delà des frontières.

Lorsqu’il nous annonce: «C’est la dernière!» nous savons, grâce à la setlist collée au sol, qu’il y aura un rappel. On peut lire: J’aime le feu. Son hit, qui comptabili­se 11000 vues sur YouTube. Pour cette dernière chanson, sa voix feutrée sortira un peu de ses gonds: J’aime! Le! Feu! On dirait que Cerbère a baissé sa garde…

«Ouais clair, je sors peu. Je ne vois pas beaucoup de monde. Je suis dans mon univers»

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