Un quart d’heure pour convaincre
SCÈNES Le Théâtre Sévelin 36, à Lausanne, accueille sept danseurs émergents présentant chacun une pièce
Il y a le speed dating, et il y a le speed dancing. Quinze minutes pour se faire connaître et la promesse d’un flash intense pour ces chorégraphes émergents qui, à Lausanne, de jeudi à samedi, signent leur première pièce dans le cadre des Quarts d’Heure. Pour la treizième fois, Philippe Saire ouvre les portes du Théâtre Sévelin 36 à la jeune génération. Les sept artistes retenus promettent de belles sensations. Speed présentation.
Krump et seconds couteaux
Connaissez-vous le krump? C’est une danse urbaine née au début des années 2000 dans les quartiers défavorisés de Los Angeles. Vibrante, explosive, parfois agressive, cette danse proche du hip-hop est, pour ses adeptes, une alternative à la violence. Le cercle qui se réunit autour du soliste crie, encourage, porte le danseur et s’affiche comme un espace de résistance. Dans Womb-Entrailles, Amandine Tshijanu Ngindu alias Mamu Tshi a choisi le krump pour sa faculté à guérir «tous les traumas et stigma(tisations)» et parce que cette danse vise un «perpétuel dépassement de soi».
Sur la photo qui présente L’Albâtre, sa création, Clara Delorme est nue. Bon choix: la danseuse parle de chair et de chère. Clara Delorme explore les codes et les interdits en matière de pratiques alimentaires. Réconciliant antispécistes et omnivores, l’artiste interroge protocole, convictions et bonnes manières. Appétissant.
Ce n’est pas un spectacle sur son grand-père mais il porte son nom. Adél Juhasz, jeune Hongroise, propose László, un solo expressif dans lequel l’artiste s’imprègne de son aïeul décédé sans pour autant retracer sa vie ou évoquer sa vieillesse. Sa danse, très physique, est traversée par la force que son grand-père lui a léguée.
Dans De ceux, Mélissa Guex rend hommage aux seconds couteaux. A ceux qu’on ne voit pas, qu’on oublie, qu’on néglige de remercier alors qu’ils sont indispensables à la bonne marche des opérations. Sur scène, dans la rue, à la maison… Beaucoup se reconnaîtront dans ce solo de la jeune diplômée en danse de la Manufacture qui met en lumière les oubliés de la société.
La puissance de l’aube
Qu’y a-t-il de plus fort qu’une aube naissante? Sidéré par la puissance de ce passage entre la nuit et le jour, Martin Roehrich propose L’(Au)be, première création d’un cycle de douze performances intitulé Isochrone. Basée sur la méditation et l’extase, cette pièce souhaite mettre en relation les sens et l’espace. Cosmique.
Plus concret et ancré dans l’histoire récente, Entredeux de Clélia Vuille évoque la migration. La jeune danseuse formée au Trinity Laban à Londres partage le plateau avec Mickaël Suraj, un jeune Erythréen installé dans le canton de Vaud. Tous deux tissent une rencontre sensible autour de leurs cultures et de leur vécu.
Rapide, pop, technologique. Dans Ready Set Go, Antoine Weil se souvient qu’il a débuté avec le hip-hop et le théâtre. Ce diplômé du Ballet Junior orchestre un spectacle ludique où ses interprètes entendent des consignes à intégrer dans leur danse. En plus d’un corpus de gestes, le jeune homme s’est inspiré de dictons anglo-saxons, type «you’ve got to burn to shine», pour colorer la prestation des interprètes. Pop.
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