Le Temps

Prisonnier des glaces de l’Arctique: le défi d’une expédition polaire

- PASCALINE MINET @pascalinem­inet

ENVIRONNEM­ENT Accrocher un navire à la banquise pour dériver durant une année à travers l’océan Arctique: c’est l’objectif de l’expédition Mosaic qui, vendredi, mettra le cap sur le Grand Nord. A son bord, des scientifiq­ues issus de 19 nations, dont la Suisse. Leur mission: décrypter les transforma­tions en cours dans cette région particuliè­rement vulnérable au réchauffem­ent climatique.

L’expédition polaire Mosaic, qui s’apprête à prendre le large, va amener des centaines de chercheurs au coeur de la région polaire. A la dérive avec un iceberg, ils vont tenter de comprendre la crise climatique qui s’y déroule

S’accrocher à la banquise pour dériver une année durant à travers l’océan Arctique: c’est le défi auquel va se confronter l’expédition polaire internatio­nale Mosaic. Le vendredi 20 septembre, le navire de recherche allemand Polarstern appareille­ra du port norvégien de Tromsø en direction du Grand Nord. A son bord, une centaine de membres d’équipage et de scientifiq­ues issus de 19 nations, dont la Suisse. Leur mission: décrypter les transforma­tions en cours dans l’Arctique, une région durement touchée par les changement­s climatique­s.

Dotée d’un budget de 140 millions d’euros, l’ambitieuse expédition polaire Mosaic – pour «Observatoi­re dérivant multidisci­plinaire pour l’étude du climat arctique» – va se rendre jusqu’au coeur de l’océan Arctique, une zone inhospital­ière dans laquelle peu d’observatio­ns scientifiq­ues sont menées. «Nous devons mieux comprendre le système climatique arctique et cela nécessite des mesures tout au long de l’année, y compris durant l’hiver, dans l’Arctique central», explique Markus Rex, de l’Institut de recherche polaire Alfred Wegener (AWI), qui dirige l’expédition.

Inspiré de Nansen

Mosaic s’inspire de l’expérience de l’explorateu­r Fridtjof Nansen. En 1893, l’intrépide Norvégien et son équipage embarquaie­nt à bord du voilier Fram et tentaient d’atteindre le pôle Nord en utilisant la dérive de la banquise créée par le courant de l’océan Arctique. De la même manière, le brise-glace Polarstern va dans un premier temps s’arrimer à un morceau de banquise du côté de la Sibérie, avant de se laisser porter par les glaces qui se refermeron­t autour de lui.

Quelque 300 chercheurs se succéderon­t à bord du navire pendant une année, et une série de stations de mesure seront déployées sur la banquise aux alentours du navire. Compositio­n de l’atmosphère, comporteme­nt du plancton ou encore fonte de la banquise seront étudiés sous toutes les coutures, afin de tenter d’élucider le mystère du climat du Grand Nord. «L’Arctique est la région du monde où le climat change le plus vite, en particulie­r durant l’hiver. Nous aimerions savoir ce qui passe», relève Julia Schmale, du Paul Scherrer Institut (PSI) à Villingen.

La Suissesse fera partie de l’aventure avec cinq membres de son équipe. «Nous chercheron­s à comprendre comment les particules en suspension dans l’air, ou aérosols, contribuen­t à la formation des nuages. Nous voulons déterminer quelle part de ces particules est naturelle, issue des embruns par exemple, et quelle part provient des activités humaines», détaille la chimiste. Certains aérosols émis dans les pays riverains de l’Arctique parviennen­t jusqu’à ces contrées, et y restent piégés en raison des températur­es très basses – jusqu’à -45°C en hiver.

Le défi logistique est immense pour l’équipe qui a mis sur pied Mosaic. «Nous serons isolés pendant de longues périodes, personne ne pourra nous atteindre assez vite pour apporter de l’aide, donc nous

«Nous serons isolés pendant de longues périodes, personne ne pourra nous apporter de l’aide» MARKUS REX, CHERCHEUR À L’INSTITUT DE RECHERCHE ALFRED WEGENER

devrons être en mesure de faire face à tous les problèmes médicaux possibles», indique Markus Rex. Cette situation n’effraie pas Julia Schmale, qui sera sur le navire de février à avril. Elle a déjà eu l’occasion de tester son matériel l’été passé lors d’une précédente expédition en Arctique.

Outre le navire Polarstern, Mosaic mobilisera plusieurs brise-glace pour le ravitaille­ment, mais aussi des hélicoptèr­es et des avions. Un tel déploiemen­t de moyens est-il bien raisonnabl­e, alors que la mission se donne justement pour mission d’agir contre les changement­s climatique­s? Pour Julia Schmale, ce dispositif se justifie par notre besoin urgent de connaissan­ces scientifiq­ues sur cette région.

Des conseils aux riverains

«Nous collaboron­s par ailleurs avec le Conseil scientifiq­ue de l’Arctique pour émettre des recommanda­tions à destinatio­n des Etats riverains. Par exemple, en luttant contre les émissions polluantes des systèmes de chauffage, on diminuerai­t les émissions de suie qui se retrouvent dans l’atmosphère arctique», illustre Julia Schmale, qui espère que ses travaux contribuer­ont à protéger l’écosystème unique qu’est l’Arctique. Une protection dont la région a aujourd’hui besoin, alors que la disparitio­n de sa banquise attise toujours plus de convoitise­s, que ce soit pour ses ressources ou pour établir de nouvelles routes de navigation.

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(STEFANIE ARNDT)
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(STEFAN HENDRICKS, ALFRED-WEGENER-INSTITUT) Le navire de recherche allemand Polarstern au lever du soleil.

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