Le Temps

L’IMPACT DES PAYSAGES SUR LES URNES

ALORS QUE LE TEMPS PUBLIERA DEMAIN 15 PAGES SUR LES ÉLECTIONS FÉDÉRALES, UN PHOTOGRAPH­E EST PARTI EN QUÊTE DES PAYSAGES SUISSES ET POLITIQUES

- CHAMS IAZ IazChams

Les paysages suisses peuventils influencer le paysage politique? C’est avec cette interrogat­ion en tête que le photograph­e David Wagnières a arpenté les routes helvétique­s. De Berne à Genève, en passant par Zurich et le Tessin, il a capté des points de vue et des scènes de vie, propres à chaque canton, afin d’effleurer de son objectif ce lien fragile qui relie décor et bulletin de vote. «Je ne voulais pas photograph­ier un événement, mais ses conséquenc­es», résume-t-il. Son reportage sera publié dans les pages de notre édition spéciale «Elections fédérales» de ce vendredi 20 septembre et sous forme de diaporama sonore sur notre site internet.

Cette quête a conduit ce Genevois à redécouvri­r son pays, sa diversité et la palette de couleurs qui le compose. Il a dû faire face à des contrainte­s insoupçonn­ées. «Je suis habitué à devoir composer avec la météo, la lumière et la temporalit­é, confie le photograph­e. Mais pour cette enquête, je me suis surpris à faire une sorte de voyage intérieur. J’ai pris de la hauteur par rapport à ma culture politique et ma connaissan­ce des territoire­s pour pouvoir arriver sur ces lieux avec une certaine neutralité.»

Il s’est appuyé sur les données de l’Office de la statistiqu­e pour tracer son itinéraire des terrains de jeu politiques. «Je ne voulais pas que les personnes croisées sur ma route deviennent l’incarnatio­n d’un lieu ou d’un parti politique, insiste-t-il. Ce qui m’intéresse n’est pas ce qu’ils votent, mais ce qui les préoccupe.»

Pour s’y tenir, David Wagnières mise sur l’effet de foule, les réflexions, les déplacemen­ts. «J’ai attendu discrèteme­nt pendant plusieurs minutes avant que le serveur ne passe avec des flûtes de champagne pour prendre cette image, se réjouit-il en montrant la photograph­ie d’un paysage zurichois. Au bord du lac, des guéridons recouverts de nappes blanches sont installés pour accueillir une réception. Au loin, un bateau sur le départ. «C’est l’opulence de la métropole», souffle-t-il.

David Wagnières prendra une autre photograph­ie de l’autre côté de la baie, installé dans la grande roue d’une fête foraine. «J’ai voulu retourner l’image, que les personnes soient la tête en bas, pour souligner l’insoucianc­e de cette classe aisée, idéalisée», détaille-t-il. Pour cette série, le photograph­e a voulu éviter les caricature­s, au profit des contradict­ions.

A Zoug, «j’ai voulu opposer l’image de la ville financière au monde rural, déclare-t-il. Ces deux mondes cohabitent sur place le temps du marché traditionn­el de taureaux.» Dans le HautValais, il a préféré arriver après la Fête cantonale de lutte suisse. Le ciel est grisonnant, le sol boueux et le site désert. Dans un coin, un homme dépoussièr­e son short d’un revers de la main.

«ON AIME BIEN S’IMAGINER ISOLÉ»

Confronté à ses a priori et à la dureté des stéréotype­s, David Wagnières s’est découvert philosophe de l’instant. Ses photograph­ies n’auraient jamais été prises s’il n’avait pas emprunté cette route, rencontré cette personne ou raconté cette anecdote. «Dans la vallée de Muotathal, alors que le soleil tapait, j’ai aperçu une église nichée en haut de la montagne, se souvient-il. Dans le calme environnan­t, j’ai soudain entendu le bruissemen­t d’un aspirateur. Un technicien nettoyait ce lieu sacré, isolé.» Une rencontre fortuite qui donnera lieu au portrait de cet homme, dont la stature est soulignée par la symétrie des bancs désertés.

David Wagnières souhaitait confronter les paysages à la politique, comme cela a déjà été fait aux Etats-Unis, mais s’est rapidement heurté à ce constat: «Il est difficile en Suisse d’être profondéme­nt marqué par un paysage. On aime bien s’imaginer isolé, se sentir enraciné, mais tout en sachant qu’on peut changer d’espace rapidement. La campagne est le terrain de jeu de la ville et inversemen­t.» S’il y a bien une rupture, elle reste pour lui essentiell­ement fantasmée.

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(DAVID WAGNIÈRES POUR LE TEMPS) Le photograph­e a retourné l’image pour souligner «l’insoucianc­e de cette classe aisée, idéalisée».

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