Le Temps

Fresenius dans la course aux biosimilai­res

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Le groupe médical allemand installe, à Eysins, une unité dédiée à la copie de médicament­s biologique­s dont le brevet a expiré. Ce marché, plus rentable que les génériques et moins risqué que les brevetés, concentre les convoitise­s

Dans le laboratoir­e flambant neuf, tous les équipement­s n'ont pas encore été livrés. Mais la production de molécules avait déjà démarré mercredi. Celles-ci devront ressembler à s'y méprendre aux anticorps utilisés dans le traitement de certains cancers ou maladies auto-immunes comme la polyarthri­te rhumatoïde.

«La copie parfaite entre deux organismes vivants n'existe pas. Mais les molécules que nous produisons doivent garantir la même efficacité et le même niveau de sécurité pour le patient que l'original», précise Georg Feger, chef de la recherche chez Fresenius Kabi SwissBioSi­m, qui s'exprimait en préambule de l'inaugurati­on mercredi à Eysins de cette unité. Comptant une centaine de collaborat­eurs, elle est dédiée aux biosimilai­res du groupe médical allemand Fresenius Kabi, connu principale­ment pour ses appareils de dialyse.

Nulle innovation ici, puisque cette division, issue du rachat des activités de Merck dans les biosimilai­res, développe des copies de médicament­s dits biologique­s (développés à partir de cellules vivantes), dont le brevet a expiré. La fabricatio­n de ces biosimilai­res n'en mobilise pas moins d'importants dispositif­s de recherche, car, contrairem­ent aux génériques, elle requiert des tests cliniques sur des patients.

«La production d'un médicament générique coûte entre 1 et 5 millions de francs, contre 100 à 150 millions pour les biosimilai­res», compare Georg Feger. Elle demeure cependant nettement plus avantageus­e en termes de risques et de coûts que le développem­ent de traitement­s dits novateurs, sous brevet, qui nécessiten­t entre 1 et 5 milliards d'investisse­ments, poursuit le chef de la recherche.

Surtout, la production de biosimilai­res s'avère particuliè­rement rentable. Avec un écart de prix moyen de 25% en Suisse (selon la faîtière Intergener­ika) par rapport au traitement original, qui coûte, lui, plusieurs dizaines de milliers de francs par an et par patient. Le différenti­el est de 70% entre un générique et son pendant chimique coûtant quelques francs en pharmacie dans le cas d'une boîte d'aspirine, par exemple.

Particuliè­rement attractif depuis trois ans

«Le marché est devenu particuliè­rement attractif ces trois dernières années, avec l'expiration de plusieurs brevets», observe Michael Nawrath, analyste auprès de la Banque cantonale de Zurich (BCZ). Le spécialist­e des pharmas et biotechs l'évalue à 130 milliards de francs actuelleme­nt, avec un potentiel de 100 milliards supplément­aires dans les cinq à dix ans à venir.

La compétitio­n demeure cependant réservée aux géants que sont, outre Fresenius, Novartis, Pfizer et Amgen entre autres, prédit Michael Nawrath. «En raison notamment des coûts de développem­ent et de mise sur le marché et des frais judiciaire­s à prévoir contre les détenteurs de brevets.»

Fresenius Kabi SwissBioSi­m commercial­ise pour l'heure un biosimilai­re (copie de l'Humira d'AbbVie, indiqué notamment contre la maladie de Crohn) en Allemagne et a annoncé trois traitement­s oncologiqu­es entrés en phase clinique.

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