Fresenius dans la course aux biosimilaires
Le groupe médical allemand installe, à Eysins, une unité dédiée à la copie de médicaments biologiques dont le brevet a expiré. Ce marché, plus rentable que les génériques et moins risqué que les brevetés, concentre les convoitises
Dans le laboratoire flambant neuf, tous les équipements n'ont pas encore été livrés. Mais la production de molécules avait déjà démarré mercredi. Celles-ci devront ressembler à s'y méprendre aux anticorps utilisés dans le traitement de certains cancers ou maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde.
«La copie parfaite entre deux organismes vivants n'existe pas. Mais les molécules que nous produisons doivent garantir la même efficacité et le même niveau de sécurité pour le patient que l'original», précise Georg Feger, chef de la recherche chez Fresenius Kabi SwissBioSim, qui s'exprimait en préambule de l'inauguration mercredi à Eysins de cette unité. Comptant une centaine de collaborateurs, elle est dédiée aux biosimilaires du groupe médical allemand Fresenius Kabi, connu principalement pour ses appareils de dialyse.
Nulle innovation ici, puisque cette division, issue du rachat des activités de Merck dans les biosimilaires, développe des copies de médicaments dits biologiques (développés à partir de cellules vivantes), dont le brevet a expiré. La fabrication de ces biosimilaires n'en mobilise pas moins d'importants dispositifs de recherche, car, contrairement aux génériques, elle requiert des tests cliniques sur des patients.
«La production d'un médicament générique coûte entre 1 et 5 millions de francs, contre 100 à 150 millions pour les biosimilaires», compare Georg Feger. Elle demeure cependant nettement plus avantageuse en termes de risques et de coûts que le développement de traitements dits novateurs, sous brevet, qui nécessitent entre 1 et 5 milliards d'investissements, poursuit le chef de la recherche.
Surtout, la production de biosimilaires s'avère particulièrement rentable. Avec un écart de prix moyen de 25% en Suisse (selon la faîtière Intergenerika) par rapport au traitement original, qui coûte, lui, plusieurs dizaines de milliers de francs par an et par patient. Le différentiel est de 70% entre un générique et son pendant chimique coûtant quelques francs en pharmacie dans le cas d'une boîte d'aspirine, par exemple.
Particulièrement attractif depuis trois ans
«Le marché est devenu particulièrement attractif ces trois dernières années, avec l'expiration de plusieurs brevets», observe Michael Nawrath, analyste auprès de la Banque cantonale de Zurich (BCZ). Le spécialiste des pharmas et biotechs l'évalue à 130 milliards de francs actuellement, avec un potentiel de 100 milliards supplémentaires dans les cinq à dix ans à venir.
La compétition demeure cependant réservée aux géants que sont, outre Fresenius, Novartis, Pfizer et Amgen entre autres, prédit Michael Nawrath. «En raison notamment des coûts de développement et de mise sur le marché et des frais judiciaires à prévoir contre les détenteurs de brevets.»
Fresenius Kabi SwissBioSim commercialise pour l'heure un biosimilaire (copie de l'Humira d'AbbVie, indiqué notamment contre la maladie de Crohn) en Allemagne et a annoncé trois traitements oncologiques entrés en phase clinique.
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