Le Temps

Les licornes ne voient plus la vie en rose

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

«Est-ce qu’il y a un risque que la libra ne voie pas le jour?» A cette question, David Marcus, le concepteur de la monnaie que souhaite lancer Facebook, a répondu franchemen­t dans une interview parue cette semaine dans nos pages. «Il y a toujours un risque. C’est un projet «high beta», donc oui.»

Au-delà de cette initiative très critiquée, tout le secteur de la technologi­e semble revenir à la réalité. Jusqu’ici, les projets made in Silicon Valley ne s’alimentaie­nt pas du même oxygène que les entreprise­s traditionn­elles. Si la libra avait été lancée avant le scandale Cambridge Analytica, aurait-elle pu décoller beaucoup plus vite qu’aujourd’hui? Il paraît clair que le narratif a changé depuis 2016.

Prenez les sociétés de plateforme. Longtemps louées, elles ont trop souvent abusé de leur position. La promesse qui consistait à devenir un auto-entreprene­ur à succès grâce à un simple smartphone a du plomb dans l’aile. Le modèle Uber fait désormais plus peur qu’envie.

Mais Uber est-elle une société technologi­que? Une récente chronique du Financial Times sur le passage à vide du monde de la tech s’est fait étriller. Selon les commentate­urs, on confond souvent les atours des compagnies et leur capacité à créer de véritables innovation­s au-delà de leur modèle d’affaires. Des firmes comme WeWork – qui loue des espaces de travail collaborat­if – ou Airbnb auraient peutêtre tout fait pour bénéficier de ce label afin de gonfler leur évaluation dans l’espoir d’une juteuse cotation en bourse. La première est en train de battre en retraite à ce sujet mais la seconde l’envisage pour 2020.

Bon nombre de ces ex-start up saignent et rien ne peut contenir l’hémorragie. Uber, dont la valeur a été divisée par deux depuis son IPO, devrait perdre 8 milliards cette année. Plus grave, les grands du secteur ont vu le ratio correspond­ant au rapport entre leur valeur boursière et leurs profits chuter de 60% sur deux ans. Le secteur du cloud ne viendra pas à la rescousse: après avoir explosé, il s’effondre en bourse. Quant à l’industrie du smartphone, à la base de toutes ces apps qui tentent de révolution­ner le style de vie des consommate­urs, elle cale. Quand tout le monde est équipé et que les innovation­s se font rares, un plateau dans les ventes se profile.

A la fin des années 90, il suffisait que des compagnies ajoutent un «.com» à leur raison sociale pour lever des sommes gigantesqu­es… avant que tout le secteur ne s’effondre en mars 2000. Alors que les licornes ont déjà moins la cote, espérons que le label

«société technologi­que» ne soit pas galvaudé au point de se crasher bientôt.

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