Les licornes ne voient plus la vie en rose
«Est-ce qu’il y a un risque que la libra ne voie pas le jour?» A cette question, David Marcus, le concepteur de la monnaie que souhaite lancer Facebook, a répondu franchement dans une interview parue cette semaine dans nos pages. «Il y a toujours un risque. C’est un projet «high beta», donc oui.»
Au-delà de cette initiative très critiquée, tout le secteur de la technologie semble revenir à la réalité. Jusqu’ici, les projets made in Silicon Valley ne s’alimentaient pas du même oxygène que les entreprises traditionnelles. Si la libra avait été lancée avant le scandale Cambridge Analytica, aurait-elle pu décoller beaucoup plus vite qu’aujourd’hui? Il paraît clair que le narratif a changé depuis 2016.
Prenez les sociétés de plateforme. Longtemps louées, elles ont trop souvent abusé de leur position. La promesse qui consistait à devenir un auto-entrepreneur à succès grâce à un simple smartphone a du plomb dans l’aile. Le modèle Uber fait désormais plus peur qu’envie.
Mais Uber est-elle une société technologique? Une récente chronique du Financial Times sur le passage à vide du monde de la tech s’est fait étriller. Selon les commentateurs, on confond souvent les atours des compagnies et leur capacité à créer de véritables innovations au-delà de leur modèle d’affaires. Des firmes comme WeWork – qui loue des espaces de travail collaboratif – ou Airbnb auraient peutêtre tout fait pour bénéficier de ce label afin de gonfler leur évaluation dans l’espoir d’une juteuse cotation en bourse. La première est en train de battre en retraite à ce sujet mais la seconde l’envisage pour 2020.
Bon nombre de ces ex-start up saignent et rien ne peut contenir l’hémorragie. Uber, dont la valeur a été divisée par deux depuis son IPO, devrait perdre 8 milliards cette année. Plus grave, les grands du secteur ont vu le ratio correspondant au rapport entre leur valeur boursière et leurs profits chuter de 60% sur deux ans. Le secteur du cloud ne viendra pas à la rescousse: après avoir explosé, il s’effondre en bourse. Quant à l’industrie du smartphone, à la base de toutes ces apps qui tentent de révolutionner le style de vie des consommateurs, elle cale. Quand tout le monde est équipé et que les innovations se font rares, un plateau dans les ventes se profile.
A la fin des années 90, il suffisait que des compagnies ajoutent un «.com» à leur raison sociale pour lever des sommes gigantesques… avant que tout le secteur ne s’effondre en mars 2000. Alors que les licornes ont déjà moins la cote, espérons que le label
«société technologique» ne soit pas galvaudé au point de se crasher bientôt.
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