Le Temps

La République prudente face à Mélenchon

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Trois mois de prison avec sursis: la peine requise par le procureur contre Jean-Luc Mélenchon, qui avait résisté à une perquisiti­on, ressemble à un match nul

Un duel oratoire devant les juges. Des protestati­ons de militants sur le parvis du tribunal de Bobigny. Deux jours de politique-spectacle à l’issue desquels Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, et ses accusateur­s (policiers et juges) se sont finalement séparés sur une sorte de match nul.

Le député de Marseille, qui a tout fait pour présenter sa convocatio­n devant le tribunal correction­nel, jeudi et vendredi, comme un procès politique, encourt toujours, selon la loi, une peine d’inéligibil­ité pour «actes d’intimidati­on envers un magistrat et un dépositair­e de l’autorité publique, rébellion et provocatio­n». Le procureur, lui, a en revanche joué la prudence: 3 mois de prison avec sursis contre l’ancien candidat à la présidenti­elle de 2017 (19,5% des voix) et des amendes allant de 2000 à 10000 euros pour ses cinq proches également poursuivis, dont le député de SeineSaint-Denis Alexis Corbière.

«Prenez de la camomille, maître!»

Le résumé de ces deux journées, entrecoupé­es par les projection­s des images de la fameuse tentative de perquisiti­on d’octobre 2018 obtenues (et déjà diffusées) par l’émission Quotidien, tient en une formule: celle lancée par Jean-Luc Mélenchon à l’avocat des policiers qui l’accusent de les avoir molestés, Me Eric Dupond-Moretti. Ce dernier venait de demander à l’élu «d’arrêter son cirque» après avoir rappelé que «des gamins qui parlent comme cela aux forces de l’ordre sont poursuivis pour outrage». Le ton était monté. Et le tribun Mélenchon a taclé: «Prenez de la camomille, maître!» Un échange aussitôt devenu culte sur les réseaux sociaux…

La réalité? Rien de neuf n’a été révélé, au fil des deux journées d’audience, sur les raisons de la colère de Jean-Luc Mélenchon, réveillé le 18 octobre 2018 «à 7h du matin» par une escouade de policiers accompagna­nt un procureur, désireux de perquisiti­onner les locaux du parti dans le cadre de deux affaires en cours: de possibles fautes dans les comptes de campagne de la présidenti­elle et les soupçons d’emplois fictifs d’assistants parlementa­ires européens par La France insoumise. Seul motif de colère valable, soulevé par l’avocat de l’ancien candidat à l’Elysée? Sa supposée volonté de protéger le listing des adhérents et donateurs de sa formation. De quoi justifier a posteriori la thèse d’une obstructio­n mélenchoni­ste instrument­alisée, pour apparaître comme victime du pouvoir en place.

Loin de la sévérité ordinaire

Au final: un jugement mis en délibéré qui sera rendu le 9 décembre. Une peine d’inéligibil­ité a priori écartée pour éviter que, à l’Assemblée nationale et devant ses électeurs, le député Mélenchon – qui a décidé de ne pas faire jouer son immunité parlementa­ire – ne prenne encore plus pour cibles magistrats et policiers. Et une prudence judiciaire bien éloignée de la sévérité ordinaire des juges envers tous ceux qui, en France, résistent aux forces de l’ordre.

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