Guillaume Barazzone s’attaque à un tabou
Le conseiller national PDC propose de supprimer l’impôt sur la fortune. En compensation, sa motion prévoit d’instaurer la taxation des gains en capitaux. Réactions
Avant de tirer sa révérence à la politique, Guillaume Barazzone s’attaque à un tabou qu’il confiera à la sagacité du futur parlement. Le conseiller national genevois vient de déposer une motion qui propose de supprimer le sacro-saint impôt sur la fortune et, en compensation, de taxer les gains en capitaux des particuliers. Elle a été signée par plusieurs parlementaires PLR, PDC, dont son président Gerhard Pfister, et quelques UDC.
S’il est une chose dont on ne pourra pas l’accuser, c’est de fins électoralistes: il ne se représente ni à Berne ni au Conseil administratif de la ville de Genève. Sa motivation? «On supprime un impôt injuste, dans un contexte où la fortune ne rapporte plus grand-chose à cause des taux d’intérêt négatifs qui durent, et on introduit un nouvel impôt plus équitable entre ceux qui travaillent et ceux qui font des gains en capitaux actuellement exonérés. Je propose un nouveau deal au parlement.»
Actuellement, l’impôt sur la fortune profite aux cantons, libres de fixer le taux. Genève, avec le plus haut taux du pays à 1%, a perçu 810 millions de francs l’an dernier. Un apport substantiel
«On supprime un impôt injuste et on introduit un nouvel impôt plus équitable. Je propose un nouveau deal au parlement»
et prévisible, raison pour laquelle les cantons s’y accrochent, quand bien même la plupart des pays européens y ont renoncé, comme la France, l’Italie, l’Allemagne ou la Suède. La seule chance de biffer cet impôt consistait donc à le remplacer par un autre: un impôt cantonal sur les gains en capitaux à un taux maximal de 10%, dégressif en fonction de la durée de détention, afin de lutter contre la spéculation.
Pour la droite, l’impôt sur la fortune est contre-productif car il ralentirait l’investissement et la création d’emplois. Un entrepreneur se voit en effet taxer sur le capital et le bénéfice de l’entreprise, puis à titre personnel sur les dividendes, ainsi que sur la fortune, dont fait partie la valeur de l’entreprise. Trop lourd pour le conseiller national, qui évoque le spectre des délocalisations fiscales: «Quand on sait qu’à Genève 2,9% des contribuables paient plus de 80% de l’impôt sur la fortune, des départs pourraient diminuer l’assiette fiscale.»
«Une démonstration qu’on parviendra au même objectif»
Un discours inaudible à gauche, d’où la contrepartie que fait miroiter l’élu: «Actuellement, une personne qui ne travaille pas et réalise une plus-value en bourse paie zéro franc d’impôt. Un impôt sur ce gain serait équitable par rapport aux travailleurs.» Ce d’autant plus que la Suisse est le seul pays de l’OCDE à ne pas le connaître. Mais pour que ce deal ait une chance, encore faut-il qu’il soit fiscalement neutre. Ce que résume ainsi le conseiller national socialiste genevois Carlo Sommaruga: «Je ne suis pas prêt à céder l’impôt sur la fortune tant qu’on ne me fait pas la démonstration qu’on parviendra au même objectif de rentrées fiscales avec l’impôt sur les gains en capitaux.» Or peu sont ceux qui prendraient le risque de l’affirmer, pas même l’avocat fiscaliste Xavier Oberson, qui pointe aussi un autre problème: «Cette taxation intervient au moment de la réalisation du gain. On ne peut se prémunir contre des contribuables qui pourraient quitter le canton avant de vendre. C’est une de ses faiblesses.»
Le fiscaliste évoque une autre piste, celle de l’abandon du forfait fiscal, qui aurait l’avantage d’une égalité de traitement, ou encore l’imposition sur les successions. C’est aussi le plan B de Guillaume Barazzone: «Si la suppression de l’impôt sur la fortune échoue au niveau fédéral, Genève devra réduire son taux pour rester compétitif. Je suggère alors de réintroduire un impôt sur les successions en ligne direct à un taux réduit, par exemple de 3% maximum pour les fortunes de plus de 2 millions de francs. Cela va faire hurler certains, mais 3% une fois, c’est mieux que 1% chaque année.»
Au vu des fronts figés, la gauche exigeant la redistribution des richesses, la droite craignant par-dessus tout une nouvelle taxation, pas sûr que cette motion soit promise à un avenir radieux. Mais certains ne ferment pas la porte au débat, comme Samuel Bendahan, conseiller national socialiste vaudois: «Je suis opposé à la suppression totale de l’impôt sur la fortune, qui favoriserait encore les superriches. Mais il est vrai que cet impôt s’applique aussi à des gens qui n’ont pas de cash. On pourrait imaginer de différer dans le temps cet impôt, d’établir une franchise, ou d’exonérer certains biens. Je suis évidemment favorable à l’imposition des gains en capitaux.» Son collègue Carlo Sommaruga note tout de même qu’une chute boursière empêcherait les plus-values, donc les rentrées fiscales. De quoi nourrir un débat que Guillaume Barazzone laissera en héritage.
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