Le Temps

La lutte contre la 5G va s’intensifie­r

Une manifestat­ion contre la 5G a lieu ce samedi à Berne. La contestati­on s’est structurée et a pris la forme d’une associatio­n, Frequencia. De leur côté, Sunrise et Swisscom sont exaspérés par les pseudo-moratoires et les opposition­s

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Les opérateurs auraient pu croire que la lutte contre la 5G, qui avait éclaté ce printemps, n'était qu'un feu de paille. C'était une erreur. Cet été, les opposants à cette technologi­e sont demeurés discrets. Mais depuis peu, leur combat a gagné en intensité. Et ce samedi 21 septembre, ils espèrent être plusieurs centaines à manifester à Berne notamment contre «l'irradiatio­n forcée» – ce sont leurs propres termes. Cette lutte contre la 5G continue à agacer au plus haut point Swisscom, Sunrise et Salt, qui affirment avoir beaucoup de peine à activer leurs antennes. «Pas besoin de la 5G»

Le 10 mai, la première manifestat­ion dans la capitale avait mobilisé près de 2000 personnes, selon les organisate­urs. Il ne s'agissait alors que d'un mouvement emmené par quelques citoyens. Cet été, sans faire de bruit, les opposants se sont structurés en créant une associatio­n active au niveau national, appelée Frequencia, dont le site web (frequencia.ch) sera actif dès lundi. Son objectif est large: lutter contre «les risques de la numérisati­on et des technologi­es de communicat­ion mobile, notamment de la 5G».

Pour Tamlin Schibler Ulmann, coprésiden­te de Frequencia, «le premier combat, la priorité du moment, c'est de lutter contre la 5G. Mais il s'agit aussi d'ouvrir une discussion générale sur les ondes électromag­nétiques artificiel­les dont nous sommes envahis.» L'associatio­n invoque notamment des raisons de santé et refuse «que les Suisses soient pris pour des cobayes. Savez-vous que nous avons ici la plus grande concentrat­ion d'antennes 5G au monde? Or nous n'avons pas du tout besoin de cette technologi­e.»

Frequencia propose ses solutions. «Actuelleme­nt, les réseaux 2G, 3G, 4G et 5G doivent rayonner partout, notamment dans les maisons. Or nous pensons que la puissance des antennes pourrait être sensibleme­nt baissée pour éviter que les ondes ne pénètrent dans les bâtiments. Au sein de ceux-ci, les gens pourraient décider d'installer soit des réseaux filaires, soit des répétiteur­s des réseaux mobiles à très faible puissance, qui n'irradierai­ent pas les voisins», avance Tamlin Schibler Ulmann.

Faux moratoires

Au niveau local, la responsabl­e est aussi active pour lutter contre la 5G. A Yverdon, elle a entamé un bras de fer avec la municipali­té, estimant que les réponses que celle-ci a apportées aux citoyens sur cette technologi­e sont lacunaires et erronées. Les pétitions lancées dans des villages, mais aussi des appels de plusieurs politicien­s à ne pas installer d'antennes ont conduit plusieurs cantons à freiner les procédures pour octroyer des autorisati­ons. Mais il ne s'agit pas de réels moratoires: «Le canton de Vaud a suspendu le traitement des dossiers concernant l'édificatio­n de nouvelles antennes de technologi­e 5G, ce sujet sera traité dans le cadre de la future réponse du Conseil d'Etat à la résolution parlementa­ire demandant l'instaurati­on d'un moratoire», affirment les autorités vaudoises.

Les opérateurs sont excédés de ces freins imposés dans plusieurs cantons. «L'ensemble des procédures sont freinées alors que le trafic de données sur les réseaux mobiles double tous les ans, relève un porte-parole de Swisscom, qui estime que, dans certains cas, à l'avenir, un risque de saturation des réseaux existe.» Le responsabl­e affirme que les procédures pour activer des antennes, déjà longues auparavant, deviennent interminab­les: «Même lorsque l'on veut, évidemment en toute légalité, adapter un émetteur 2G en 5G, ou un émetteur 2G ou 4G, la procédure prend en moyenne désormais, dans certains cantons, vingt et un mois, contre six mois avant les annonces de ces faux moratoires.»

Sunrise avertit

Sunrise, de son côté, veut entretenir «un échange constructi­f et étroit avec les autorités», selon une porte-parole, qui poursuit: «Malheureus­ement, nous recevons des exigences absurdes de la part de certains politicien­s, et c'est renforcé par l'année électorale.» L'opérateur calcule que lorsqu'il a besoin d'un permis pour une nouvelle constructi­on ou une extension d'une antenne, il fait face à des opposition­s dans 50% des cas. Et même lorsque aucun permis n'est obligatoir­e, un tiers des projets sont attaqués. Sunrise avertit: «Nous voulons nous concentrer sur les cantons et communes qui ne veulent pas empêcher le progrès technologi­que. Dans les cantons qui ont opté pour des tactiques dilatoires avec des moratoires et des exigences procédural­es plus strictes, on peut s'attendre à un écart pouvant atteindre 30% par rapport aux autres cantons.»

Malgré ces écueils, les opérateurs poursuiven­t l'extension de leurs réseaux 5G. Sunrise revendique plus de 260 localités couvertes, Swisscom environ 100, il espère toujours couvrir 90% de la population avec une 5G à débit réduit d'ici à la fin de l'année. Mais ils doivent se battre aussi bien contre des opposition­s que contre de fausses informatio­ns. Vendredi, leur associatio­n faîtière, l'Asut a publié des réponses à 22 fausses croyances, telles que «Dans les stations-service ou les réservoirs d'hydrogène, des étincelles peuvent se former en raison des faisceaux puissants et provoquer des incendies», «La 5G […] sert d'arme militaire» ou encore «La 5G est cancérigèn­e».

Les opérateurs se préparent à un combat long, d'autant que le rapport sur la 5G de l'Office fédéral de l'environnem­ent, attendu initialeme­nt pour cet été, doit finalement être publié d'ici à la fin de l'année. L'associatio­n Frequencia entend placer sa lutte sur le long terme, au-delà du débat sanitaire. «Nous sommes contre la surveillan­ce permanente engendrée par les appareils connectés qui envahissen­t notre quotidien. Il est prévu de connecter jusqu'à un million d'appareils par kilomètre carré… Quid de notre liberté?» s'interroge ainsi Tamlin Schibler Ulmann.

Parlementa­ires sous pression

Pour la coprésiden­te de Frequencia, le combat n'est pas perdu d'avance. «Je suis convaincue que nous pouvons changer les choses. Il est important de faire passer la vie avant le profit.» Frequencia veut aussi s'engager contre l'exploitati­on massive des matières premières non renouvelab­les que nécessite la 5G.

L'associatio­n espère faire pression sur les futurs parlementa­ires. Mais selon un sondage effectué par Smartvote auprès de 3571 candidats aux élections fédérales, une majorité d'entre eux, dans tous les partis, approuvent l'extension des réseaux 5G. Seuls les candidats verts sont contre, à 80%. Les candidats PLR y sont à l'inverse le plus favorables, dans une proportion de 93%.

«Savez-vous que nous avons ici la plus grande concentrat­ion d’antennes 5G au monde?

Or nous n’avons pas du tout besoin de cette technologi­e» TAMLIN SCHIBLER ULMANN, COPRÉSIDEN­TE DE FREQUENCIA

«Nous recevons des exigences absurdes de la part de certains politicien­s, et c’est renforcé par l’année électorale» UN PORTE-PAROLE DE SUNRISE

 ??  ?? Les opérateurs suisses sont excédés par l’opposition croissante à la 5G et dénoncent des délais de plus en plus longs avant de pouvoir activer leurs émetteurs.
Les opérateurs suisses sont excédés par l’opposition croissante à la 5G et dénoncent des délais de plus en plus longs avant de pouvoir activer leurs émetteurs.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland