Le Temps

En fermant Mühleberg, le groupe BKW accélère sa mue

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

La désaffecta­tion de la centrale nucléaire et la gestion des déchets coûteront plus de 2,3 milliards. Le groupe bernois prend cette somme en charge et se tourne plus que jamais vers les énergies renouvelab­les

Vendredi 20 décembre 2019, 12h30. A Berne, le Conseil fédéral tient sa dernière séance de l'année. A quelques kilomètres de là, sur les bords de l'Aar, un employé de la centrale nucléaire de Mühleberg et une autre personne – idéalement la ministre de l'Energie Simonetta Sommaruga, mais son départemen­t fait savoir que l'ordre du jour de la réunion du gouverneme­nt sera «très fourni» – pressent simultaném­ent sur deux boutons. Cette manoeuvre met définitive­ment le réacteur à l'arrêt et le coupe du réseau.

La fermeture de Mühleberg marque un tournant dans la politique de son propriétai­re, le groupe BKW, ainsi qu'un changement de culture majeur. La directrice du groupe, Suzanne Thoma, et son équipe ont fait le point vendredi à Berne, trois mois jour pour jour avant la fin d'une exploitati­on qui aura duré quarante-sept ans. A son arrivée à la tête des BKW, Suzanne Thoma a entrepris une véritable mue. Il s'agissait de préparer l'abandon de l'atome et d'investir dans les énergies renouvelab­les et les prestation­s de services. Le consortium a réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 2,675 milliards. Or, 1,2 milliard provient de ses divisions Building Solutions, Engineerin­g et Infra Services.

L'arrêt du réacteur diminuera de 25% la production d'électricit­é du groupe et de 50% le courant issu du canton de Berne. En 2020, la part d'énergie électrique indigène bernoise ne sera plus que de 22%, 28% provenant du reste de la Suisse et 50% de l'étranger (contre 40% aujourd'hui). La fermeture du robinet nucléaire privera le groupe de recettes, c'est pourquoi la phase de post-exploitati­on débutera sans attendre, dès le 6 janvier 2020. Aujourd'hui, 300 personnes travaillen­t sur le site. L'entreprise compte s'appuyer en priorité sur son propre personnel pour effectuer les travaux de démontage. «De nouveaux profils profession­nels sont nécessaire­s. Nous avons mis sur pied des programmes de formation, par exemple en radioprote­ction ou en gestion de projets», détaille Martin Saxer, directeur de la centrale.

Deux fonds fédéraux

Un départemen­t Démantèlem­ent a été créé. Il compte 50 collaborat­eurs et passera à 100 l'année prochaine, dont une vingtaine de spécialist­es recrutés à l'extérieur. Trente-cinq employés ont été formés à la radioprote­ction et BKW a racheté une entreprise allemande spécialisé­e dans ce domaine, DfN (50 personnes). Martin Saxer estime avoir besoin de 200 personnes à moyen terme. Une partie du personnel sera transférée dans la division Engineerin­g, dans les filiales ou reclassée. Une centaine d'employés atteindron­t l'âge de la retraite d'ici à 2030.

La mise hors service, la décontamin­ation, l'évacuation vers le dépôt intermédia­ire de Würenlinge­n (AG) des éléments combustibl­es, la déconstruc­tion, l'assainisse­ment du site vont coûter très cher: 927 millions, selon les derniers chiffres annoncés vendredi par Suzanne Thoma. Ces coûts seront financés par des provisions et par les versements effectués par BKW dans le fonds fédéral de désaffecta­tion. Il faut ajouter à cela les coûts des déchets, estimés à 1,427 milliard. Ils sont couverts par les contributi­ons versées dans le fonds fédéral de gestion des déchets radioactif­s et par le rendement des placements.

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