Survivre sous les pierres
L’une des particularités des Hirondelles de Kaboul est donc d’avoir été dessiné à partir d’images en prises de vues réelles: celles de comédiens jouant, devant deux caméras, les rôles principaux de ce long métrage d’animation adapté d’un roman de Yasmina Khadra publié en 2002. Sans surprise, au-delà de son très beau rendu graphique, fait de teintes pastel et de contours flous, comme si certains décors n’étaient pas tout à fait achevés, le film est de facto transcendé par le surplus d’humanité de ses protagonistes.
Derrière Atiq, héros malgré lui de ce drame stigmatisant les dérives obscurantistes de la religion, on reconnaît aisément Simon Abkarian, tant à travers son phrasé que ses gestes. Il en va de même pour les personnages doublés par Swann Arlaud et Hiam Abbass. L’histoire, aussi terrifiante que tragique, se déroule à Kaboul à l’été 1998, au plus fort du règne sanguinaire des talibans. Atiq, donc, est gardien de prison. Lorsqu’il va devoir veiller sur une jeune femme condamnée à être lapidée en public, afin de satisfaire les hauts dignitaires d’un régime barbare et moyenâgeux, il va commencer à douter du bien-fondé de son travail.
Mohsen, lui aussi, va voir ses convictions vaciller. Alors qu’il a pris part à une lapidation sommaire, comme si, mû par la foule, il n’avait pu s’empêcher de ramasser une pierre puis de la lancer, voici que sa bien aimée, Zunaira, est arrêtée. C’est elle qu’Atiq a le devoir de surveiller jusqu’à son exécution… Les deux hommes ne vont jamais se croiser, mais leurs destins seront dès lors profondément entremêlés.
Coproduit, avec la France, par la RTS et la société genevoise Close Up Films, Les Hirondelles de Kaboul est un film aussi formellement lumineux – on sent la chaleur pesante du soleil afghan – que son propos est sombre. Après une première partie plutôt lente, le récit se densifie pour proposer une formidable mais glaçante montée en puissance à partir du moment où Zunaira est emprisonnée. Jusqu’à un final sacrificiel profondément bouleversant, ce dessin animé pour les grands ne cessera d’émerveiller et de révolter, sentiments contradictoires qui sont au coeur de sa réussite. ▅