GENÈVE, L’ ÉCHO DES VILLES
Un duo littéraire reçoit pour mission de faire le portrait de sa cité, mais en chemin, un seul auteur reste à bord. Le Genevois Guillaume Rihs a relevé le défi en captant des bribes de conversations. Des voix à la fois singulières et universelles
Septembre 2016, les écrivains genevois Guillaume Rihs et Max Lobe embarquent pour le Québec. Les auteurs sont les invités du Festival international de la littérature (FIL) de Montréal. L’objectif: créer des duos littéraires qui se retrouveront l’année suivante en territoire romand. Orchestré par Michelle Corbeille, directrice du FIL, et Isabelle Falconnier, alors présidente du Salon du livre de Genève, Max Lobe est associé au fantasque Stanley Péan et Guillaume Rihs à la jeune et talentueuse Fanny Britt. La consigne est simple: chaque tandem doit dresser le portrait de sa ville.
Fanny et Guillaume décident de parler de leur ville en «écoutant les bavards et en rendant compte de ce qu’ils disent». Malheureusement, l’élan s’essouffle, Fanny manque de temps. Déçu mais déterminé, Guillaume poursuit. «Qu’il vente ou qu’il pleuve», il reste à l’écoute des tonalités de sa ville. Sa ville bavarde, Genève, déjà au centre de ses premiers livres, deux romans, Aujourd’hui dans le
désordre et Un Exemple à suivre
(Kéro) où la veine comique tient une belle place.
A travers cette activité de «collectionneur de conversations», Guillaume Rihs offre dans cet ouvrage de quelque 80 pages une heureuse description de Genève, «un portrait par bribes», sans pour autant la comparer ou l’opposer à d’autres cités. L’auteur n’a pas étudié la ville comme un cas. «Je n’ai pas fait un travail d’analyse. J’ai voulu retranscrire une vérité ancrée dans un contexte et une période.»
Cafétéria, bus, université, banc public, tout lieu comporte son langage, ses bruits, son silence. Chaque génération, catégorie socioprofessionnelle, être vivant – même les cygnes – possède «ses tournures de phrase, ses sujets de conversation, sa manière de concevoir la vie». Laissant traîner ses oreilles, l’auteur présente une Genève complexe, moderne, multiple. Ici et là, nos habitudes sont exposées: l’homme dégustant sa salade César au bord du lac (ah, on aime ça, la laitue au poulet en 2019); ou le «Je suis au bout de ma vie», expression «so millennials»!
NOS SUJETS FAVORIS
De ces discussions, sérieuses, légères, ou «juste drôles», on perçoit des doutes, des joies, des violences, une quête de sens. De quoi se parle-t-on en réalité? De tout, de rien. De nous-même, d’argent, de nourriture, nos sujets décidément favoris. De ces paroles saisies au vol surgit aussi, en creux, un autoportrait de l’auteur. Rencontré durant Le livre sur les quais à Morges, Guillaume Rihs explique ne s’être imposé aucune règle au moment de l’écriture. La sélection des textes les a imposées: «J’ai choisi les conversations que j’aurais aimé raconter à mes proches.»
Alternant dialogues et parties narratives, l’auteur a cherché une forme, exercice aussi compliqué qu’instructif. «J’avais en ma possession 120 textes que j’ai posés par terre, par paquets. Certains textes entraient en résonance; d’autres étaient en totale opposition. J’ai tenté de guider le lecteur d’une idée à une autre, de lui raconter une histoire.»
On prend un réel plaisir à retrouver aux travers de ces bribes des lieux connus, des atmosphères. Mais si Genève est entendue et reconnue, ce sont bien les voix de toutes les villes qui résonnent à travers elle. Guillaume Rihs parvient à maintenir un équilibre entre le particulier et l’universel. A dessein, l’auteur donne peu d’indications sur les espaces traversés. A chacun d’imaginer la ville, sa ville.
Cafétéria, bus, université, banc public, tout lieu comporte son langage, ses bruits, son silence