Où en est le projet Libra? Les explications de Bertrand Perez, directeur opérationnel
Confronté au retrait de plusieurs membres importants, le projet de cryptomonnaie s’est structuré davantage lundi à Genève, en élisant un comité qui comprend notamment une ancienne procureure américaine spécialisée dans les actifs numériques
Les enjeux étaient élevés pour la première assemblée générale de l’association Libra, organisée ce lundi à Genève. Après le retrait de plusieurs membres fondateurs (PayPal, Visa, Mastercard ou eBay), la structure qui chapeautera la future cryptomonnaie imaginée par Facebook devait arrêter l’hémorragie et relancer la dynamique. Un comité de cinq personnes a été élu lundi, qui comprend David Marcus et une ancienne procureure américaine spécialisée dans les cryptomonnaies. Des critères vont être définis pour sélectionner les futurs membres.
Forte pression
Le projet Libra a été sous forte pression ces dernières semaines. Outre des craintes sur la protection des données, les critiques ont concerné les risques de blanchiment, et surtout la perspective que la libra concurrence un jour les banques centrales et déstabilise l’économie globale. Durant l’été, des élus américains avaient exigé un moratoire sur la libra, tandis que le France a récemment annoncé qu’elle empêcherait la future cryptomonnaie d’être disponible sur son territoire. En réponse, Facebook avait surtout mis en avant son rôle limité dans le projet.
Menaces
Les menaces formulées la semaine passée par deux sénateurs américains ont monté d’un cran. Les patrons de Visa, Stripe et Mastercard ont ainsi reçu des courriers les prévenant que si leurs sociétés restaient impliquées dans le projet libra, elles pourraient faire l’objet d’une surveillance accrue sur leurs activités existantes.
Ce lundi à Genève, l’association a donc proposé à ses 21 membres restants (la start-up Stripe, Bookings Holdings et le spécialiste argentin des paiements Mercado Pago se sont notamment retirés) d’élire un conseil composé de cinq membres, précise au Temps Bertrand Perez, directeur opérationnel de l’association.
La présidence sera assurée par Katie Haun, une ancienne procureure de l’Etat de New York, spécialisée dans la criminalité financière, qui avait notamment enquêté sur des malversations liées au bitcoin. Actuellement associée dans la société de capital-risque Andreessen Horowitz (membre de l’association Libra), Katie Haun y codirige un fonds d’investissement sur les cryptomonnaies doté de 350 millions de dollars. David Marcus a également été élu, de même que des représentants de PayU (système de paiement), Xapo (stockage numérique) et de l’ONG Kiva (microcrédit).
Pas de nouveaux arrivants
Aucune nouvelle entreprise n’a rejoint l’association durant la réunion de lundi. «Ce n’était pas l’objectif, mais le nombre de membres augmentera considérablement d’ici à la fin de l’année, puisque plus de 1600 entreprises se sont montrées intéressées», poursuit Bertrand Perez. Pour ce faire, l’association validera sous peu des critères de sélection.
En attendant, l’association se sent-elle fragilisée par les retraits de plusieurs membres fondateurs? «Absolument pas, répond notre interlocuteur, qui a été élu lundi secrétaire général de l’association. Certains ont pu être mal à l’aise car toutes les réponses aux questions des régulateurs n’ont pas encore été apportées, mais le dialogue se poursuit avec ces derniers pour que ce soit le cas rapidement.» Quant aux départs, «mieux vaut qu’ils aient eu lieu maintenant que juste avant le lancement et les 21 membres actuels sont très motivés», conclut Bertrand Perez.
Prochaine étape dans la course d’obstacles qu’est devenue la création de la libra: l’audition du patron de Facebook, Mark Zuckerberg, par le Sénat américain, le 23 octobre.
«Mieux vaut que les départs aient eu lieu maintenant que juste avant le lancement: les 21 membres actuels sont très motivés»