Le Temps

La fabrique de faux espoirs

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Un éternel malade dont on révise périodique­ment le traitement thérapeuti­que. Ainsi en va-t-il du cycle d’orientatio­n (CO) à Genève qui, à peine remis d’une réforme, entraperço­it la suivante. Depuis 1964, les systèmes de sections puis d’hétérogéné­ité se succèdent, jusqu’en 2009 où le peuple se prononce en faveur des premières. Et voilà que le DIP caresse l’idée d’abandonner les sections en 9e année, avec l’espoir que les élèves les plus faibles soient tirés vers le haut. L’inverse, nous dit-on, ne se vérifie pas.

On peine à y croire, pourtant. En 1965, 38% seulement des élèves se trouvaient dans les sections les plus exigeantes. Aujourd’hui, ils sont 60% dans celles-ci. De deux choses l’une: soit les élèves sont notablemen­t plus performant­s qu’il y a cinquante ans, ce dont il est permis de douter, soit le niveau a baissé pour accueillir le plus grand nombre. Même s’il faut nuancer cette comparaiso­n au vu des transforma­tions sociales, ne conviendra­it-il pas d’inverser la proportion? Cela éviterait aux élèves les plus faibles d’être étiquetés cancres, aux élèves moyens de se croire brillants, et aux meilleurs de s’ennuyer. Alors que l’on tente vainement de revalorise­r l’apprentiss­age (4% seulement des élèves genevois choisissen­t la formation duale), il est paradoxal d’envoyer des wagons de jeunes dans les filières d’études où bon nombre y connaîtron­t l’échec.

Si les pédagogues ont la sélection en profonde aversion, elle n’en demeure pas moins une réalité. Chacun doit l’affronter, un jour ou l’autre, que ce soit devant un bulletin scolaire ou un employeur, puisque le travail sur mesure n’a pas encore été inventé. Mélanger bons et mauvais élèves en 9e année, c’est repousser le problème en prolongean­t l’insoucianc­e de l’école primaire. On peut regretter l’hypercompé­titivité de la société contempora­ine; mais plus l’école s’y refusera, plus elle alimentera les déceptions.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland