La fabrique de faux espoirs
Un éternel malade dont on révise périodiquement le traitement thérapeutique. Ainsi en va-t-il du cycle d’orientation (CO) à Genève qui, à peine remis d’une réforme, entraperçoit la suivante. Depuis 1964, les systèmes de sections puis d’hétérogénéité se succèdent, jusqu’en 2009 où le peuple se prononce en faveur des premières. Et voilà que le DIP caresse l’idée d’abandonner les sections en 9e année, avec l’espoir que les élèves les plus faibles soient tirés vers le haut. L’inverse, nous dit-on, ne se vérifie pas.
On peine à y croire, pourtant. En 1965, 38% seulement des élèves se trouvaient dans les sections les plus exigeantes. Aujourd’hui, ils sont 60% dans celles-ci. De deux choses l’une: soit les élèves sont notablement plus performants qu’il y a cinquante ans, ce dont il est permis de douter, soit le niveau a baissé pour accueillir le plus grand nombre. Même s’il faut nuancer cette comparaison au vu des transformations sociales, ne conviendrait-il pas d’inverser la proportion? Cela éviterait aux élèves les plus faibles d’être étiquetés cancres, aux élèves moyens de se croire brillants, et aux meilleurs de s’ennuyer. Alors que l’on tente vainement de revaloriser l’apprentissage (4% seulement des élèves genevois choisissent la formation duale), il est paradoxal d’envoyer des wagons de jeunes dans les filières d’études où bon nombre y connaîtront l’échec.
Si les pédagogues ont la sélection en profonde aversion, elle n’en demeure pas moins une réalité. Chacun doit l’affronter, un jour ou l’autre, que ce soit devant un bulletin scolaire ou un employeur, puisque le travail sur mesure n’a pas encore été inventé. Mélanger bons et mauvais élèves en 9e année, c’est repousser le problème en prolongeant l’insouciance de l’école primaire. On peut regretter l’hypercompétitivité de la société contemporaine; mais plus l’école s’y refusera, plus elle alimentera les déceptions.
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