Un logiciel pour apparier donneurs de rein et receveurs
MÉDECINE Les autorités suisses misent sur un algorithme pour calculer la compatibilité entre personnes en attente de greffe de rein et candidats au don. Et ainsi augmenter le nombre de donneurs vivants, trop peu nombreux
C’est un petit clic de souris pour l’homme, mais un bond informatique pour le don de rein: Swisstransplant a lancé un logiciel permettant d’apparier les receveurs et les donneurs potentiels. Ce lundi 14 octobre, la coordinatrice de Swisstransplant Lisa Straumann a appuyé sur un bouton d’ordinateur afin de déterminer qui est compatible avec qui entre les receveurs et les donneurs potentiels inscrits dans ce programme national inédit.
Pour comprendre la particularité de cette première helvétique, il faut rappeler que l’appariement entre receveurs et donneurs potentiels s’est longtemps fait manuellement, c’est-à-dire en échangeant des mails et des coups de fil. Il faut également savoir que la demande n’est de loin pas couverte: quelque 350 greffes de rein ont été réalisées l’année dernière en Suisse, alors que plus de 1500 personnes étaient sur liste d’attente. Une vingtaine sont mortes faute d’avoir pu être transplantées.
Incompatibilités
Le rein transplanté peut provenir d’une personne décédée – la population sera d’ailleurs prochainement appelée à voter sur le consentement présumé des individus. Mais il est également possible de prélever l’organe sur un donneur vivant; cela peut être un parent proche ou le conjoint, par exemple. Cependant, il n’est pas rare qu’il y ait une incompatibilité entre le donneur vivant et son receveur potentiel. Pour que la greffe ait tout de même lieu, un don croisé avec un autre couple donneur-receveur est envisageable, c’est-à-dire que le rein d’un premier donneur (binôme A) est attribué au receveur du second binôme (B), pour lequel il existe un donneur B compatible avec le receveur A. Le développement des greffes croisées devrait permettre d’augmenter de 30% le nombre de donneurs vivants.
C’est là que le programme national de dons croisés multiples de Swisstransplant prend toute son importance. En mettant dans le
Le développement des greffes croisées devrait permettre d’augmenter de 30% le nombre de donneurs vivants
même chapeau tous les binômes incompatibles entre eux, les chances de leur trouver une paire avec laquelle un échange est possible sont logiquement plus nombreuses. Des tests fictifs ont été réalisés pour vérifier que le logiciel pouvait effectivement, un peu à l’instar des plateformes de rencontres telles que Meetic, détecter les meilleures combinaisons, en analysant puis en comparant les profils enregistrés.
L’algorithme a été créé par Yvan Schmutz, directeur de l’entreprise de programmation informatique Analitica, à Echichens. Il a ensuite été codéveloppé avec les entreprises Proactive Partners à Nyon et Open Web Technology à Lausanne. D’après nos informations, l’idée aurait germé au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Portée par les cinq autres hôpitaux autorisés à effectuer des transplantations (Bâle, Zurich, Berne, Lausanne et Saint-Gall), elle a ensuite obtenu le soutien décisif de Swisstransplant et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Branle-bas de combat
Idéalement, 15 à 20 binômes donneur-receveur déjà constitués, mais non compatibles, devaient participer au coup d’envoi, a indiqué Swisstransplant qui nous a reçus dans ses bureaux à Berne. Aussitôt les résultats obtenus, ce sera le branle-bas de combat: il faudra les communiquer aux centres de transplantation, contacter les donneurs et les receveurs, refaire certains examens médicaux et fixer une date pour les prélèvements et les greffes. Celles-ci devraient toutes avoir lieu le même jour, dans un laps de temps de huit heures. Les reins voyageront en taxi entre les différents hôpitaux impliqués, de sorte que les donneurs et les receveurs pourront tous être opérés près de leur domicile.
Pour l’heure, le nombre de «numéros gagnants» qui sortiront est impossible à prédire. Au-delà de quatre binômes opérables, soit huit interventions à effectuer le même jour, il faudra prévoir plusieurs «rames» échelonnées dans le temps. La première ne pourra de toute façon pas avoir lieu avant novembre, a précisé Thomas Müller, médecin-chef du service de néphrologie de l’Hôpital cantonal de Zurich et représentant du comité de pilotage du programme. L’enjeu est de taille, et la crainte de l’échec palpable chez Swisstransplant. En effet, il suffirait par exemple qu’un seul donneur se récuse au dernier moment pour que tout tombe à l’eau…
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