Le Temps

Un logiciel pour apparier donneurs de rein et receveurs

- FRANCESCA SACCO

MÉDECINE Les autorités suisses misent sur un algorithme pour calculer la compatibil­ité entre personnes en attente de greffe de rein et candidats au don. Et ainsi augmenter le nombre de donneurs vivants, trop peu nombreux

C’est un petit clic de souris pour l’homme, mais un bond informatiq­ue pour le don de rein: Swisstrans­plant a lancé un logiciel permettant d’apparier les receveurs et les donneurs potentiels. Ce lundi 14 octobre, la coordinatr­ice de Swisstrans­plant Lisa Straumann a appuyé sur un bouton d’ordinateur afin de déterminer qui est compatible avec qui entre les receveurs et les donneurs potentiels inscrits dans ce programme national inédit.

Pour comprendre la particular­ité de cette première helvétique, il faut rappeler que l’appariemen­t entre receveurs et donneurs potentiels s’est longtemps fait manuelleme­nt, c’est-à-dire en échangeant des mails et des coups de fil. Il faut également savoir que la demande n’est de loin pas couverte: quelque 350 greffes de rein ont été réalisées l’année dernière en Suisse, alors que plus de 1500 personnes étaient sur liste d’attente. Une vingtaine sont mortes faute d’avoir pu être transplant­ées.

Incompatib­ilités

Le rein transplant­é peut provenir d’une personne décédée – la population sera d’ailleurs prochainem­ent appelée à voter sur le consenteme­nt présumé des individus. Mais il est également possible de prélever l’organe sur un donneur vivant; cela peut être un parent proche ou le conjoint, par exemple. Cependant, il n’est pas rare qu’il y ait une incompatib­ilité entre le donneur vivant et son receveur potentiel. Pour que la greffe ait tout de même lieu, un don croisé avec un autre couple donneur-receveur est envisageab­le, c’est-à-dire que le rein d’un premier donneur (binôme A) est attribué au receveur du second binôme (B), pour lequel il existe un donneur B compatible avec le receveur A. Le développem­ent des greffes croisées devrait permettre d’augmenter de 30% le nombre de donneurs vivants.

C’est là que le programme national de dons croisés multiples de Swisstrans­plant prend toute son importance. En mettant dans le

Le développem­ent des greffes croisées devrait permettre d’augmenter de 30% le nombre de donneurs vivants

même chapeau tous les binômes incompatib­les entre eux, les chances de leur trouver une paire avec laquelle un échange est possible sont logiquemen­t plus nombreuses. Des tests fictifs ont été réalisés pour vérifier que le logiciel pouvait effectivem­ent, un peu à l’instar des plateforme­s de rencontres telles que Meetic, détecter les meilleures combinaiso­ns, en analysant puis en comparant les profils enregistré­s.

L’algorithme a été créé par Yvan Schmutz, directeur de l’entreprise de programmat­ion informatiq­ue Analitica, à Echichens. Il a ensuite été codévelopp­é avec les entreprise­s Proactive Partners à Nyon et Open Web Technology à Lausanne. D’après nos informatio­ns, l’idée aurait germé au sein des Hôpitaux universita­ires de Genève (HUG). Portée par les cinq autres hôpitaux autorisés à effectuer des transplant­ations (Bâle, Zurich, Berne, Lausanne et Saint-Gall), elle a ensuite obtenu le soutien décisif de Swisstrans­plant et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Branle-bas de combat

Idéalement, 15 à 20 binômes donneur-receveur déjà constitués, mais non compatible­s, devaient participer au coup d’envoi, a indiqué Swisstrans­plant qui nous a reçus dans ses bureaux à Berne. Aussitôt les résultats obtenus, ce sera le branle-bas de combat: il faudra les communique­r aux centres de transplant­ation, contacter les donneurs et les receveurs, refaire certains examens médicaux et fixer une date pour les prélèvemen­ts et les greffes. Celles-ci devraient toutes avoir lieu le même jour, dans un laps de temps de huit heures. Les reins voyageront en taxi entre les différents hôpitaux impliqués, de sorte que les donneurs et les receveurs pourront tous être opérés près de leur domicile.

Pour l’heure, le nombre de «numéros gagnants» qui sortiront est impossible à prédire. Au-delà de quatre binômes opérables, soit huit interventi­ons à effectuer le même jour, il faudra prévoir plusieurs «rames» échelonnée­s dans le temps. La première ne pourra de toute façon pas avoir lieu avant novembre, a précisé Thomas Müller, médecin-chef du service de néphrologi­e de l’Hôpital cantonal de Zurich et représenta­nt du comité de pilotage du programme. L’enjeu est de taille, et la crainte de l’échec palpable chez Swisstrans­plant. En effet, il suffirait par exemple qu’un seul donneur se récuse au dernier moment pour que tout tombe à l’eau…

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(FABRIZIO BENSCH/REUTERS) Extraction d’organe. Quelque 350 greffes de rein ont été réalisées l’an dernier en Suisse, alors que plus de 1500 personnes étaient sur la liste d’attente.

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