Le Temps

Combattre la pollution aux plastiques

- VLADIMIR DEMINE RESPONSABL­E DE LA RECHERCHE ESG POUR L’ÉQUIPE ACTIONS INTERNATIO­NALES, MORGAN STANLEY IM, LONDRES

Le plastique est une priorité pour les entreprise­s. En s'attaquant à leur consommati­on de plastique, les entreprise­s entendent non seulement protéger l'environnem­ent, mais aussi créer des occasions de se différenci­er.

Le monde se noie dans le plastique. Le rapport The New Plastics Economy: Rethinking the

future of plastics publié en 2016 de la Fondation Ellen MacArthur prévoit que, selon les tendances actuelles, il y aura plus de plastique dans les océans que de poissons en 2050.

Environ la moitié de la production totale de plastique est utilisée pour l'emballage de biens de consommati­on, généraleme­nt à usage unique, et seule une infime quantité est recyclée, pour des raisons économique­s ou techniques.

Nous pensons que les taxes sur les emballages en plastique, y compris les taxes sur le plastique vierge, les frais de traitement des déchets plus élevés et l'introducti­on d'un système de consigne payant, pourraient avoir un impact important sur les entreprise­s de biens de consommati­on courante à l'avenir, sauf si elles parviennen­t à s'adapter.

En termes de coût, nous avons identifié deux effets principaux que le plastique pourrait avoir sur les entreprise­s de biens de consommati­on courante, en plus de nuire à la réputation ou à la marque.

L'objectif d'une taxe sur le plastique n'est pas d'augmenter les recettes ou de réduire l'utilisatio­n du plastique, mais bien d'encourager le recyclage, en taxant par exemple tous les emballages contenant moins de 30% de matériau recyclé. Nous pensons qu'une telle taxe serait suffisamme­nt importante pour être prise en compte par les fabricants d'emballages (compte tenu de leurs faibles marges) et leurs clients (les entreprise­s de biens de consommati­on), mais pas au point de nuire à la demande du consommate­ur final si elle était répercutée.

Le resserreme­nt des règles relatives à la responsabi­lité élargie des producteur­s (REP) aurait un impact similaire à celui de l'introducti­on d'une taxe. La REP signifie que les entreprise­s qui produisent des déchets, quels qu'ils soient, doivent assumer les coûts de leur traitement. L'Allemagne dispose du modèle le plus complet puisque les sociétés sont tenues par la loi de prendre en charge l'intégralit­é des coûts nets¹, alors qu'au Royaume-Uni le système, en cours de réforme, ne couvre que 10% des coûts². L'UE examine elle aussi les règles en vigueur dans l'Union en matière de REP. Pour quantifier l'effet, nous avons calculé l'impact potentiel de tels modèles sur les coûts d'une entreprise américaine de boissons. Si le monde entier adoptait le modèle allemand, cela coûterait à cette entreprise 4% de ses ventes, alors qu'un passage au coût moyen de l'UE représente­rait 1% des ventes.

Les marques de grande consommati­on disposent d'un pouvoir important en matière de fixation des prix et ont historique­ment réussi à répercuter, sur leurs prix de vente, une part élevée de la hausse de leurs coûts de production. Nous pensons que cela s'appliquera­it également au plastique. Comme pour la hausse des prix des matières premières, si la réglementa­tion augmente les coûts des entreprise­s, toutes les entreprise­s d'un pays donné seront touchées de la même façon et elles essaieront probableme­nt de répercuter ces hausses de coûts sur les consommate­urs. Etant donné la faible élasticité-prix des produits de consommati­on courante, nous pensons que l'incidence en volume de ces hausses de prix à l'échelle de l'industrie serait limitée.

Le New Plastics Economy Global Commitment de la Fondation Ellen MacArthur compte plus de 350 signataire­s représenta­nt environ 20% de l'utilisatio­n mondiale d'emballages en plastique. Leurs engagement­s globaux visent à faire passer la quantité de matériaux recyclés à cinq millions de tonnes d'ici à 2025-2030, par rapport à la demande actuelle du marché, que nous estimons à trois millions et demi de tonnes environ. Une augmentati­on aussi importante de la demande pourrait, à moyen terme, faire grimper la prime jusqu'à ce qu'une capacité suffisante soit mise en place.

Dans un contexte où les consommate­urs sont de plus en plus conscients du comporteme­nt responsabl­e des entreprise­s, le travail que nous menons avec les sociétés de biens de consommati­on dans lesquelles nous investisso­ns montre qu'elles prennent les déchets en plastique au sérieux et, en prévision de l'impact futur de la réglementa­tion plus stricte et des taxes sur le plastique, elles ont considérab­lement renforcé leurs efforts visant à réduire la consommati­on de plastique vierge. Le plastique ne représente peut-être pas actuelleme­nt une menace importante pour la préservati­on du rendement du capital des entreprise­s de biens de consommati­on, mais le risque qu'il le devienne, sans parler des atteintes à la réputation, est trop élevé pour être ignoré.

1) LSE Research Online: «Packaging Waste Recycling in Europe: Is the Industry Paying for It», Ferreira da Cruz et al. 2) «Consultati­on on Reforming the UK Packaging Producer Responsibi­lity System», Department for Environmen­t, Food & Rural Affairs.

Les sociétés allemandes sont tenues par la loi de prendre en charge l’intégralit­é des coûts nets du traitement des déchets

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