Le Temps

L’administra­tion Trump vise la pharma suisse

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Washington envisage d’imposer une surtaxe sur les médicament­s importés de Suisse. Novartis et Roche, qui réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires aux Etats-Unis, ont trébuché. Le conseiller fédéral Guy Parmelin évoquera la question en fin de semaine avec son homologue américain Wilbur Ross

Dans un marché boursier en baisse lundi en Europe, le Swiss Market Index (SMI), qui regroupe les 20 premières valeurs suisses, a le plus souffert. Il a été tiré vers le bas plus particuliè­rement par Novartis et Roche, dont les titres ont reculé de 1,24% et 1,50% en début de séance, avant de se reprendre et de clôturer à -0,38% pour Roche et -0,84% pour Novartis. Pourquoi? Parce que, comme l'épée de Damoclès, l'administra­tion Trump vient d'évoquer l'imposition d'une surtaxe sur les médicament­s importés de Suisse. Les deux géants bâlois réalisent une grande partie de leur chiffre d'affaires aux Etats-Unis: 34% pour l'un et 46% pour l'autre.

L'alerte a été donnée samedi. Le quotidien zurichois NZZ a rapporté les propos du représenta­nt américain au Commerce, Robert Lighthizer, à la suite d'une réunion de travail avec les représenta­nts de l'industrie pharmaceut­ique. Son message: Washington envisage de rééquilibr­er la balance commercial­e avec la Suisse, plus particuliè­rement dans le domaine des médicament­s.

Déficit américain

Les exportatio­ns suisses aux Etats-Unis, marchandis­es et services confondus, avaient atteint 40 milliards de dollars en 2018, contre des importatio­ns de 21 milliards. Selon l'administra­tion américaine, le déficit survient principale­ment à cause du secteur pharmaceut­ique. Selon Interpharm­a, l'organisati­on patronale qui regroupe les entreprise­s de la branche, la part des exportatio­ns suisses sur le marché américain ne cesse d'augmenter: elle est passée de 11% en 2000 à 24% en 2018.

Contacté par Le Temps, Martin Naville, directeur de la Chambre de commerce Suisse-Etats-Unis, ne veut pas se montrer inquiet à ce stade. «Il se pourrait que l'administra­tion américaine tente de dire aux entreprise­s suisses d'investir davantage aux Etats-Unis. Avec cette menace, le président Trump envoie un message fort à l'industrie pharmaceut­ique.» Mais selon lui, une surtaxe sur les médicament­s suisses ne ferait pas sens dans la mesure où Novartis et Roche investisse­nt déjà sur place, créent des emplois, y compris dans le secteur si stratégiqu­e de la recherche et du développem­ent. Selon Interpharm­a, les géants suisses ont investi 6,5 milliards de francs aux Etats-Unis, soit autant que les entreprise­s américaine­s de la branche l'ont fait en Suisse. «Novartis est au courant des intentions américaine­s et suit tout développem­ent de près», a pour sa part commenté son porte-parole, cité dans la NZZ.

Pharma et procédure de destitutio­n

Il faut dire que le président américain n'entretient pas d'excellente­s relations avec l'industrie pharmaceut­ique. La semaine passée, il l'a accusée d'être derrière la procédure de destitutio­n. Par ailleurs, Novartis et Roche sont à présent dans le collimateu­r de la justice américaine. La première est accusée d'avoir sciemment transmis, dans le cadre de l'approbatio­n d'un traitement, des données manipulées. L'entreprise a rejeté la responsabi­lité sur quelques salariés. Sa filiale Sandoz est visée par une plainte collective de 44 Etats pour entente cartellair­e.

A Berne, le Départemen­t fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) ainsi que le Secrétaria­t d'Etat à l'économie (Seco) attendent d'en savoir plus de la part des autorités américaine­s. «A ce stade, nous ne disposons pas d'informatio­ns officielle­s concernant la perception de droits de douane sur les produits pharmaceut­iques exportés de Suisse vers les Etats-Unis, répond une porte-parole. Le DEFR et le Seco sont en contact régulier avec les autorités américaine­s et discutent d'un large éventail de sujets.»

Suisse-Etats-Unis: des liens solides

L'hypothétiq­ue surtaxe américaine qui frapperait les médicament­s importés de Suisse pourrait faire l'objet de discussion­s la semaine prochaine à Washington. Le conseiller fédéral chargé du DEFR, Guy Parmelin, y sera à la fin de cette semaine pour participer à l'assemblée générale annuelle du Fonds monétaire internatio­nal et de la Banque mondiale. Il est prévu qu'il rencontre le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, en marge de cette manifestat­ion.

Paradoxale­ment, la menace américaine tombe à un moment où les relations entre la Suisse et les Etats-Unis se portent plutôt bien. Même si les exportatio­ns de l'acier et de l'aluminium suisses sont frappées d'une surtaxe de 25% et de 10% respective­ment, ce que conteste Berne auprès de l'Organisati­on mondiale du commerce (OMC), l'administra­tion Trump a appelé la Suisse à négocier un accord bilatéral de libreéchan­ge. Les travaux exploratoi­res sont en cours et les deux parties souhaitent y parvenir l'an prochain.

Sur le plan politique, les relations restent aussi solides. Washington vient de renouveler sa confiance envers la Suisse en lui demandant de représente­r ses intérêts en Iran. En mai dernier, le président de la Confédérat­ion, Ueli Maurer, s'était rendu à la Maison-Blanche à l'invitation de Donald Trump. ▅

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(GAETAN BALLY/KEYSTONE) La pharma suisse exporte une grande partie de ses produits vers le marché américain, et cette part ne cesse de croître.

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