Le Temps

LES LIENS D’INTÉRÊT DES PARLEMENTA­IRES À PORTÉE DE CLIC

LA RÉDACTION A DÉVELOPPÉ UN OUTIL AFFICHANT SUR PLUSIEURS SITES DE MÉDIAS LES RAPPORTS D’INFLUENCE DES ÉLUS

- PAUL RONGA t @palrogg

Depuis jeudi, Le Temps propose une extension de navigateur internet permettant d’afficher les liens d’intérêt des parlementa­ires fédéraux sur une vingtaine de sites de médias suisses, dont le nôtre, mais aussi 24heures.ch, rts.

ch/info, beobachter.ch, etc. Comme d’autres extensions, telles qu’Adblock plus, Video DownloadHe­lper ou Google Dictionary, elle se greffe sur un navigateur web et met en évidence les noms des parlementa­ires cités dans les articles. En cliquant sur leur nom, les lecteurs obtiennent la liste de leurs liens d’intérêt et de leurs invités au parlement.

Une manipulati­on rendue possible grâce à un projet lancé il y a onze ans par deux journalist­es alémanique­s. En 2008, Thomas Angeli, du

Beobachter, décide de dresser une liste de tous les «invités» du Palais fédéral, soit les personnes auxquelles les parlementa­ires donnent un badge d’accès permanent. Cette liste n’est disponible que sous forme imprimée, dans un bureau du palais, avec interdicti­on d’utiliser la photocopie­use installée à quelques mètres. «J’ai passé plusieurs matinées à la recopier, raconte Thomas Angeli. C’était absurde.»

Il publie ensuite une série d’articles sur les jeux d’influence au parlement avec son collègue Otto Hostettler, également journalist­e au Beobachter. Ce dernier veut absolument créer une base de données des lobbies du parlement et de leurs relations avec les élus. Le travail est colossal. Un premier jeu de données est publié en 2013.

«Nous avons commencé par la Commission de la santé, explique Thomas Angeli. Les caisses maladie et les lobbies pharmaceut­iques sont particuliè­rement influents au parlement. Ils ciblent les élus qui siègent dans cette commission.» Commission après commission, les deux journalist­es tissent peu à peu la toile de ce réseau d’influence.

DONNÉES OUVERTES

L’informatic­ien Roland Kurmann s’est joint au binôme en créant une interface permettant de structurer ces informatio­ns. «Si une entreprise active dans l’environnem­ent a un lien précisémen­t avec un membre de la Commission de l’environnem­ent, le lien d’intérêt est particuliè­rement efficace», souligne-t-il. L’intensité de cette efficacité est évaluée dans la base de données.

Le trio a fondé une associatio­n sans but lucratif, Lobbywatch, qui reste peu connue du grand public en Suisse romande. Sa base de données, progressiv­ement améliorée et complétée avec des informatio­ns demandées aux élus, est publiée en «open data» (données ouvertes): tout un chacun peut utiliser le travail de l’associatio­n, à la condition de la créditer. C’est sur cette base que Le Temps a développé son extension, gratuite et publiée en licence libre.

«LA TRANSPAREN­CE EST ILLUSOIRE»

Parmi les élus, les réactions au projet Lobbywatch sont contrastée­s. Le conseiller national Fathi Derder (PLR/VD) se montre très sceptique à l’égard de l’associatio­n: «On peut entrer au parlement comme on veut, il ne sert à rien d’avoir un badge permanent. De plus, le lobbying ne se fait pas sous la Coupole, mais partout ailleurs. Penser que les listes d’invités permettent de voir les lobbies à l’oeuvre est faux», lance-t-il.

Coprésiden­tes de l’Initiative sur la transparen­ce, la conseillèr­e nationale Lisa Mazzone (Verts/GE) voit au contraire d’un bon oeil le travail de l’associatio­n mais veut aller plus loin. «La transparen­ce établit la confiance entre les votantes et votants et les parlementa­ires. Certaines élues et élus assurent cette transparen­ce, mais la plupart non. Mon objectif est que des règles de transparen­ce soient imposées afin que tout le monde y soit tenu.» Les eurodéputé­s ont fait un pas dans ce sens en janvier dernier, en décidant de rendre publique la liste de leurs rencontres avec des lobbyistes.

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Capture d’écran du site letemps.ch. (LT)

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