Un conseiller fédéral vert serait sans doute trop rouge
L’évaluation 2019 des parlementaires menée par l’institut Sotomo de Zurich montre que les partis se sont montrés plus compacts que les années précédentes. En toile de fond, on observe un glissement à gauche des Verts
Alors que l’on spécule sur une possible candidature des Verts au Conseil fédéral, l’évaluation annuelle des parlementaires effectuée par l’institut Sotomo pour la NZZ et Le Temps apporte une information qui pèsera sur les discussions à venir: jamais les Verts n’ont été aussi fortement ancrés à gauche. Comme on a coutume de le dire de l’UDC à l’autre extrémité de l’échiquier, il n’y a, sur leur flanc gauche, que le mur.
C’est un élément que devront prendre en compte celles et ceux qui songent à une possible candidature jumelée des Verts et des Vert’libéraux. Evoquée dans la presse dominicale, mais non confirmée, cette idée semble découler du constat que, si l’on additionne les pronostics des derniers sondages, Verts et Vert’libéraux représenteraient une force de 18%, supérieure au PLR.
Cette manière de mesurer le droit d’accès au Conseil fédéral est innovante. Elle s’éloigne de la logique arithmétique introduite en 1959, qui accordait deux mandats aux trois plus grands partis et un seul au quatrième. Certes, cette logique a été brisée dans l’histoire récente. D’abord lorsque l’UDC a été priée de patienter une législature avant d’obtenir un deuxième conseiller fédéral. Puis lorsque le petit Parti bourgeois-démocratique, créé sur mesure pour Eveline Widmer-Schlumpf, est devenu gouvernemental. On est revenu à la pratique arithmétique stricte en 2015, avec deux UDC, deux socialistes, deux PLR et une démocrate-chrétienne.
Ce que certaines têtes pensantes des Verts et des Vert’libéraux semblent imaginer aujourd’hui, c’est cependant autre chose. Elles additionnent les forces respectives de leurs deux formations. Or, comme le démontre l’évaluation de Sotomo, celles-ci sont politiquement éloignées l’une de l’autre. Il ne suffit pas de constater qu’elles défendent des positions proches pour le climat et la transition énergétique pour en faire un mouvement – à défaut d’un parti – gouvernemental. Elles divergent profondément dans d’autres domaines, comme l’économie de marché, la politique budgétaire ou sociale. Il faut ajouter que ces deux partis sont insignifiants au Conseil des Etats, où le PDC et le PLR resteront forts.
Si les Verts souhaitent accéder au Conseil fédéral, ils devront miser sur leurs propres valeurs plutôt que sur un artifice comptable, et peut-être mettre un peu d’eau dans leur vin très rouge. Ils devront sans doute faire comme l’UDC: patienter un tour.
Entre Verts et Vert’libéraux, de profondes divergences
A la fin de la 50e législature, la discipline de groupe, surtout dans les formations qui se positionnent aux extrémités de l'échiquier politique, s'est resserrée comme jamais. L'époque où les membres des différents partis s'étalaient sur la largeur du spectre politique, sur une échelle allant de -10 (gauche) +10 (droite), est révolue.
Cela s'illustre par la réduction des écarts entre les élus les plus à gauche et les plus à droite au sein d'une même formation politique. Prenons le cas du PS. A la veille des élections de 2015, les socialistes les plus à gauche et les moins à gauche étaient séparés par un écart de 3,4 points. Cette différence s'est réduite à 1,2 point, et cela pour un positionnement clairement à gauche, entre -10 et -8,8.
A l'exception du président du syndicat Travail.Suisse, Adrian Wüthrich, qui obtient cette note de -8,8, tous les membres du groupe socialiste se placent entre -10 et -9,1. Cela traduit un renforcement de l'homogénéité du parti au Conseil national durant la dernière année de la législature.
La jeune Samira Marti, benjamine du parlement et représentante de la génération des Jeunes socialistes, se positionne à -9,9. Elle côtoie la Zurichoise Mattea Meyer et la Vaudoise Ada Marra, également candidate au Conseil des Etats. Toutes deux affichent une valeur de -9,8.
Discipline de groupe à droite
On assiste au même rétrécissement à l'UDC. La distance entre les élus les plus à droite et ceux qui le sont le moins a été ramenée de 3,7 points à 1,2 point. Cela démontre que la discipline de groupe est, ici aussi, de plus en plus rigoureuse.
De manière générale, on peut dire que les différences de positionnement qui apparaissent dans les profils Smartvote des candidates et des candidats s'éclipsent derrière la logique prépondérante des partis, déterminante pour le comportement lors des votes au Conseil national.
Cette tendance à la discipline s'observe également dans les partis qui se situent entre les deux pôles. Au PDC, l'espacement interne entre la droite et la gauche s'est réduit de 3,6 à 2,6 points. Le PLR fait néanmoins exception: l'écart s'est légèrement accentué ces quatre dernières années, passant de 2,5 à 2,6 points.
Peut-on encore parler d'«ailes» au sein des partis? De moins en moins pour ceux qui occupent les extrémités de l'échiquier. Il existe toutefois encore des courants différents dans les formations du centre ou du centre droit, en particulier au PLR et au PDC. L'enjeu des élections, dans ces partis, ne se limite d'ailleurs pas au nombre de sièges qu'ils vont gagner ou perdre. Il s'agit surtout de savoir quel courant en sortira renforcé ou affaibli.
Quel sera le profil du PDC à l'avenir?
Prenons l'exemple du PDC. Les trois membres du groupe qui ne se représentent pas, le Fribourgeois Dominique de Buman (-1,0), le Genevois Guillaume Barazzone (-0,5) et la Valaisanne Géraldine Marchand-Balet (-0,3), appartiennent plutôt à son aile gauche. Tout comme la Zurichoise Kathy Riklin (-1,0) : elle tente à nouveau sa chance, mais sur une liste marginale chrétienne-sociale, apparentée à celle du PDC. Ses chances de réélection paraissent minces.
Les départs de ces quatre personnalités peuvent modifier le profil du groupe démocrate-chrétien. Ce parti perd de plus en plus de représentants de son aile sociale et chrétienne-sociale. La tendance se dessine depuis longtemps. Elle ne s'est pas encore traduite par un glissement formel du PDC à droite. Qu'en sera-t-il à l'avenir?
Des Verts éloignés des Vert'libéraux
Les sondages promettent aux Verts et aux Vert'libéraux d'être les gagnants des élections à venir. Or, on a de plus en plus tendance à les placer dans le même panier politique. Pourtant, leurs positions au Conseil national se différencient de manière marquée.
Comme cela avait déjà le cas jusqu'en 2Comme cela avait déjà le cas jusqu'en 2012, les Verts dépassent à nouveau le PS sur sa gauche en 2019. La présidente du parti, Regula Rytz, occupe la position la plus extrême, avec -10, qu'elle partage avec deux de ses collègues, Irene Kälin (AG) et Michael Töngi (LU), ainsi que la socialiste bâloise Silvia Schenker. Le chef du groupe à Berne, le Zurichois Balthasar Glättli, est à -9,8.
Les ténors du Parti vert'libéral sont très éloignés d'eux. Son président, Jürg Grossen, affiche -3,2 et la cheffe du groupe parlementaire, Tiana Angelina Moser, est à -3,3. La valeur moyenne des Vert'libéraux est plus proche de celle du PLR que de celle des Verts. L'évaluation montre ainsi clairement que le PVL joue un rôle de pont entre les deux bords politiques.
Le durcissement de l'âge
On a tendance à penser que l'on s'assagit avec l'âge. L'évaluation 2019 a plutôt tendance à prouver le contraire. Elle traduit un durcissement des positions des anciens ténors de l'UDC plutôt qu'un adoucissement. On l'avait déjà constaté avec Christoph Blocher et l'ancien président du parti, Toni Brunner (qui a quitté le Conseil national en cours d'année), à la fin de leur carrière.
Ce sont ainsi le doyen de fonction Luzi Stamm, qui occupait déjà cette place lors du rating précédent, et l'ancien chef du groupe Adrian Amstutz qui affichent la position la plus à droite, +10. La même remarque vaut, à gauche, pour la socialiste Silvia Schenker, qui achève son mandat parlementaire avec la note -10.
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Les sondages promettent aux Verts et aux Vert’libéraux d’être les gagnants des élections à venir. Or, on a de plus en plus tendance à les placer dans le même panier politique