«En multipliant l’offre, les prix baisseront»
Alors que la pharma helvétique est dans le viseur de Donald Trump, le géant américain Mylan se déploie en Suisse. Le directeur de la filiale zougoise, Eric Nowak, veut hisser le groupe parmi les meneurs du marché des génériques et des biosimilaires
Nouvelle cible de Trump: les pharmas suisses. En évoquant des surtaxes sur les médicaments importés, l’administration américaine vise explicitement cette branche de l’industrie helvétique, pour qui les Etats-Unis représentent 20% de ses exportations. En Europe, le concurrent américain Mylan tente de gagner des parts de marchés. Y compris en Suisse, où le groupe vise «le top cinq à moyen terme» des fabricants de médicaments génériques, affirme Eric Nowak, directeur de Mylan Suisse, lors d’un entretien dans ses bureaux zougois.
Le Français, anciennement chez Abbott et Sanofi, a refusé de commenter les annonces de Trump. Dans le milieu, nul ne se risque à prédire les dynamiques du marché, dans le cas où elles se concrétiseraient. Mylan n’en apparaît pas moins aux yeux des observateurs de la branche comme un acteur sérieux du marché. Principalement grâce à son vaste portefeuille de génériques.
Mais aussi dans le segment des biosimilaires, ces copies de traitements biologiques, dont le marché est estimé à 130 milliards de francs, avec un potentiel de 100 milliards de plus dans les cinq à dix ans à venir, à mesure que tombent les brevets. Cette année, Mylan a déposé trois demandes d’autorisation auprès de Swissmedic, se félicite Eric Nowak.
Pourquoi cette entrée tardive sur ce marché suisse, alors que Sandoz et Mepha s’en partagent déjà les trois quarts? Cette configuration de marché nous offre l’opportunité de nous positionner comme une alternative dans l’offre faite au patient, en nous démarquant avec des prix très compétitifs. Et puis, nous avons depuis plusieurs années déjà une présence commerciale dans les pharmacies, les cabinets médicaux et les hôpitaux en Suisse, avec divers médicaments des portefeuilles d’Abbott EPD et de Meda, deux sociétés acquises par Mylan respectivement en 2015 et 2016. Forts de cette expérience de terrain, nous avons lancé en début d’année les premiers médicaments génériques de notre portefeuille. Pour le patient, outre limiter les risques de pénuries, une multiplication de l’offre fera inévitablement baisser les prix.
Comment se déploie cette présence en Suisse? Nous entrons sur la pointe des pieds, en identifiant les médicaments pour lesquels les risques de pénurie en Suisse sont avérés et seraient le plus problématiques. Pour l’instant, nous avons introduit une dizaine de médicaments, sur les 7500 références que compte notre portefeuille dans le monde. Il s’agit, entre autres, de certains antibiotiques, de traitements contre l’hypertension ou encore la maladie de Parkinson. Nous avons aussi lancé trois médicaments génériques dans le traitement contre le VIH. Notre ambition pour les cinq années à venir est d’être dans le top 5 des entreprises pharmaceutiques proposant des génériques en Suisse, avec un portefeuille de plus de 70 médicaments génériques et biosimilaires. En tant qu’entreprise américaine, dans quelle mesure les surtaxes Trump visant les pharmas helvétiques servent-elles vos ambitions sur le marché suisse? Par principe, nous ne souhaitons pas commenter les décisions de politique américaine.
En Suisse, les génériques ne représentent que 35% des ventes de médicaments, en termes de volumes, contre plus de 80% en Allemagne ou au Royaume-Uni, par exemple. Quelles sont vos pistes pour percer? Cet écart représente autant de potentiel. Nous affichons aussi clairement notre volonté d’offrir nos génériques à des prix très compétitifs. Enfin, comme dit, nous avançons progressivement, car nous nous heurtons à des conditions-cadres plus sévères que dans les pays voisins. Un exemple de ce cadre réglementaire spécifique à la Suisse est celui de notre nouveau vaccin contre la grippe. Du fait de données supplémentaires demandées par l’autorité de surveillance Swissmedic pour ce produit déjà enregistré et commercialisé en Europe, nous avons dû abandonner sa commercialisation pour la prochaine saison. En effet, mettre en oeuvre une nouvelle étude uniquement pour la Suisse afin d’obtenir de nouvelles données non réclamées par les autres pays d’Europe était un investissement trop important.
Pour un produit qui n’est en définitive vendu que quelques francs en dose unique. Cette pression sur les prix est l’une des difficultés majeures pointées par les génériqueurs. Le modèle est-il encore viable? Les dynamiques du marché des médicaments génériques sont très différentes selon les régions et c’est principalement sur le marché nord-américain que nous observons la pression la plus forte. Dans les émergents, ainsi qu’en Europe, la croissance demeure positive. Le segment des médicaments biosimilaires [soit des copies de médicaments biologiques produits à partir d’une cellule vivante, ndlr] présente par ailleurs de belles perspectives, car l’écart de prix est moins grand avec son original que dans le segment des médicaments chimiques [Le différentiel est de 25% pour les biosimilaires, contre un écart de 70% pour les médicaments chimiques, ndlr].
Dans cette course aux biosimilaires, combien de médicaments avez-vous dans le pipeline? Mylan dispose d’un portefeuille en développement de 20 biosimilaires dans le monde couvrant neuf des dix biologiques dans les domaines de l’oncologie, l’immunologie, l’endocrinologie et l’ophtalmologie. Nous avons soumis cette année trois dossiers aux autorités suisses, pour des produits dont nous avons obtenu la mise sur le marché en Europe (Hulio pour la maladie de Crohn, Fulphila et Ogivri dans le domaine de l’oncologie). L’enregistrement prend habituellement un an.
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«Nous affichons clairement notre volonté d’offrir nos génériques à des prix très compétitifs»