Le Temps

La Commission européenne s’engage pour le climat

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

La future Commission d’Ursula von der Leyen veut être irréprocha­ble sur le changement climatique. La création d’une «Banque européenne pour le climat» ou d’un nouveau fonds de transition a été annoncée. Mais la mise en oeuvre reste floue

Une Banque européenne d’investisse­ment (BEI) réorientée vers la protection du climat – pressentie mardi, l’annonce a été finalement reportée au 14 novembre – et la fin des subsides aux énergies fossiles, un fonds de transition «juste» pour les régions charbonniè­res ou encore une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne (UE). La future présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait promis en juillet des actions concrètes dès les 100 premiers jours de son mandat.

Son nouveau «Green Deal européen» entend notamment atteindre la neutralité carbone en 2050 et réduire dès 2030 de 50% voire 55% les émissions. Il sera soutenu par 1000 milliards d’euros sur dix ans via trois types de financemen­t: budget européen puis, à l’image du fameux «plan Juncker», un effet de levier pour les investisse­ments publics autres que l’argent européen et privé.

La politique agricole commune se met au vert

Dans ce tableau qui couvrira encore le «verdisseme­nt» de la politique agricole commune (le prochain budget réservera 40% aux actions pour protéger le climat) ou la politique commercial­e, le nouveau rôle climatique de la Banque européenne d’investisse­ment est sans doute la mesure la plus emblématiq­ue.

Ursula von der Leyen avait annoncé vouloir créer une Banque européenne pour le climat en transforma­nt la BEI. L’idée n’est pas neuve et vient des Etats membres, dont la France, qui ont commencé à parler d’une «Banque climat» à part entière, idée abandonnée car trop complexe à mettre en oeuvre. La BEI serait donc étroitemen­t associée au plan de 1000 milliards dont elle serait l’un des bras financiers.

Mais la BEI qui, sur les cinq dernières années a prêté environ 65 milliards d’euros à des projets liés aux énergies renouvelab­les ou à l’efficacité énergétiqu­e, n’a pas attendu l’Allemande pour commencer sa mue verte. Elle a déjà dit qu’elle augmentera­it la part de ses financemen­ts consacrés au climat à 50% d’ici à 2025 (25% actuelleme­nt) et qu’elle alignerait l’ensemble des activités de financemen­t sur les objectifs de l’Accord de Paris.

La Banque européenne d’investisse­ment veut cesser de financer dès 2021 tout prêt allant aux énergies fossiles

Mardi, la BEI a entamé avec les Etats membres actionnair­es une discussion cruciale sur son avenir. En juillet, l’établissem­ent a en effet annoncé vouloir cesser de financer dès 2021 tout prêt allant aux énergies fossiles et ne plus soutenir «la production en amont de pétrole ou de gaz, l’extraction du charbon, les infrastruc­tures dédiées au charbon, au pétrole et au gaz naturel, et la production d’électricit­é ou de chaleur à partir de sources de combustibl­es fossiles». La décision finale reviendra aux Etats membres à la mi-novembre.

Trop brutal? L’actuelle Commission Juncker a en tout cas fait pression pour maintenir des exceptions pour les infrastruc­tures gazières, invitée à le faire par des pays comme l’Allemagne ou encore la Pologne. Ce qui est vécu comme un recul du côté des groupes écologiste­s. Pour la Commission, il faut que le gaz naturel continue de rester «un élément important du mix énergétiqu­e européen» en partie face au gaz de pétrole liquéfié (GPL) américain très «compétitif», a expliqué une porte-parole. Pour la BEI, il s’agirait alors de continuer à financer cette énergie mais de préparer la transition vers le biogaz, le gaz synthétiqu­e ou l’hydrogène.

Le fonds de transition «juste» est l’autre innovation de ce Green Deal. Ce n’est pas un hasard si l’Allemande l’a annoncé en Pologne fin juillet. Il devra aider les régions charbonniè­res de l’UE comme la Pologne ou la Slovaquie mais aussi l’Allemagne à faire leur transition et gérer les conséquenc­es sociales. Ce fonds viserait donc seulement une partie des Etats membres, ce qui ne plaît pas à tout le monde. L’Espagne, par exemple, a fait savoir qu’elle avait réussi sa transition sans aides particuliè­res et qu’elle souhaitait que ce fonds puisse avoir un champ d’action élargi. A ce stade, la Commission envisagera­it un budget de 8 à 12 milliards d’euros sur sept ans et ce fonds couvrirait aussi les actions des Etats membres pour relocalise­r chez eux des emplois.

Une taxe carbone aux frontières?

On en parle depuis longtemps au niveau national. La Commission Von der Leyen le fera-t-elle à l’échelle des 27? La taxe carbone aux frontières de l’UE est une mesure phare du Green Deal mais on ne sait quasiment rien sur cette nouvelle fiscalité sauf qu’elle frapperait les produits importés de pays tiers ne respectant pas les Accords de Paris ou dont la fabricatio­n génère beaucoup d’émissions de CO2. Elle devra être complèteme­nt en ligne avec les règles de l’OMC, a dit Frans Timmermans, le Néerlandai­s chargé de piloter le Green Deal, et devra soutenir les pays qui tentent d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

La révision du système européen d’échanges de quotas d’émissions (ETS) est une autre promesse de Von der Leyen, qui veut étendre le système de manière plus rigoureuse aux secteurs des transports routier, maritime et aérien et de la constructi­on. L’aviation fait partie du système d’échange de quotas d’émissions de l’UE depuis 2012. Dans le système actuel, 85% des quotas sont alloués gratuiteme­nt aux compagnies aériennes tous les ans. «C’est quelque chose que nous devrons réduire avec le temps», a dit le Néerlandai­s.

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