Ligues privées, fédérations publiques
La mise en place de formats de compétition centrés sur une élite et visant un positionnement haut de gamme est une évolution qui se banalise dans le sport moderne
Révolutionnaires dans la natation, les recettes de l’International Swimming League tendent à se banaliser dans le sport moderne. Le football (réforme à l’étude de la Ligue des champions), le tennis (Laver Cup, nouvelle Coupe Davis) et l’équitation (Global Champions Tour) évaluent ou ont déjà mis en place des formats centrés sur une élite et visant un positionnement haut de gamme. Comme c’est le cas dans l’ISL avec Konstantin Grigorishin, ces initiatives sont le fait de privés, quelques grands clubs de football, Roger Federer, Gerard Piqué ou Jan Tops et Frank McCourt. Tous court-circuitent leur fédération internationale, mise devant le fait accompli.
En natation, la FINA a tenté d’interdire l’ISL avant de constater que ses meilleurs athlètes y étaient favorables. Elle a donc réagi en créant une compétition similaire à l’ISL, les Champions Swim Series, elle aussi richement dotée. Y aura-t-il de la place pour tout le monde? «Je pense que l’ISL peut remplacer le circuit classique de Coupe du monde», avance, prudemment, Florent Manaudou.
Concurrence du privé
Les fédérations sont souvent accusées d’immobilisme. En athlétisme, le risque de sécession des quatre plus grands meetings poussa l’IAAF à créer il y a vingt ans la Golden League, devenue Diamond League. Cette concurrence «du privé» est souvent stimulante mais elle n’est pas sans risque, car ces nouveaux entrepreneurs du sport se comportent comme des repreneurs qui ne misent que sur le secteur le plus dynamique de l’activité et abandonnent le reste. En n’organisant que des épreuves de sprint, l’ISL menace à terme l’existence même des épreuves de fond (800 m, 1500 m), dont les spécialistes pourraient un jour se voir contraints de passer à la nage en eau vive. «C’est vrai qu’en athlétisme, on peut organiser un concours de saut ou de lancer pendant un 10000 m, alors que nous n’avons qu’une piscine», reconnaît Florent Manaudou. Sorte de «service public» du sport, les fédérations ont souvent le mauvais rôle, mais il est indispensable.
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