Nadine Sierra, graine de diva
La jeune soprano américaine a donné à Genève un récital étincelant. La relève passe par elle
C’est peu dire qu’au Grand Théâtre l’ouverture de saison des récitals a de l’allure. Aviel Cahn montre la voie de la relève lyrique avec panache: en choisissant la soprano américaine d’origine latine Nadine Sierra, il touche d’emblée le coeur de cible.
A 31 ans, le charme de la belle brune ne passe pas que par sa ligne sculpturale et ses tenues étincelantes. Il se situe dans son âme de chanteuse, dont elle rappelle sur scène à l’heure des bis que sa mère a déclenché une véritable passion, dès ses 6 ans. Depuis, sa vie est sa voix. Et cela s’entend.
Comme un oiseau en vol
D’abord, par son grain rond et ferme, lisse et brillant. Ensuite par son timbre qui réunit les couleurs d’automne dans ce qu’elles ont de plus flamboyant. Légèrement patinée, rayonnante et d’une projection aussi intense que droite, la voix se déploie aussi naturellement qu’un oiseau en vol.
Et puis, il y a la technique, dont elle semble se jouer tant les aigus éclatent avec aisance et puissance, les vocalises roucoulent joyeusement et les pianissimi sont délicatement filés. Enfin, ce qui place Nadine Sierra en haut d’un podium qui se dessine déjà comme le trône d’une reine, c’est son incroyable longueur de souffle et de modulation des nuances.
On tient là une diva en puissance, entre Barbara Hendricks (avec une carrure plus ample) et Jessye Norman (dans un registre moins démesuré) à leur apogée, lorsqu’elle se lance dans le répertoire américain. Le ton et l’esprit sont semblables, touchés par la grâce d’une spiritualité vivante et charnelle. Avec le temps, les tonalités s’affineront et la liberté d’incarnation se libérera certainement.
On en prendra pour preuve les fameux airs de My Fair Lady («I could have danced»), Porgy and Bess («Summertime»), West Side Story («I feel pretty», «Somewhere»), Candide («Glitter and be gay», qui donne le thème de la soirée) ou I Dream of Jeanie with the Light Brown Hair («Beautiful dreamer»).
Passion latine
Sur le versant latin, nourri à ses origines portugaises par sa mère et italo-portoricaines par son père, Nadine Sierra en incarne les passions de façon touchante et intime. Des deux chansons de Villa Lobos («Melodia sentimental») et Braga («Engenho nova!») en passant par les Cuatro madrigales amatorios de Rodrigo et «Me llaman la primorosa» de Gimenez, le chant danse et se fait miel.
Quant à la partie classique, si l’articulation et la prononciation du français sont encore à affiner («Ah je veux vivre» dans Roméo et Juliette de Gounod et «Depuis le jour» dans Louise de Charpentier), Donizetti se fait expressif et mutin pour Don Pasquale («Quel guardo il cavaliere… So anch’io la virtu magica»). Et les trois bis italiens eux aussi, d’une intensité et d’une virtuosité exemplaires («O mio babbino caro» de Lauretta dans Gianni Schicchi, «Quando m’en vo’» de Musetta dans La Bohème et son favori «Caro nome» de Gilda dans Rigoletto), ils achèvent d’éblouir une salle saisie par tant de talent.
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