Le Temps

La Postcard souvent refusée

Taxis, petits commerces: la PostFinanc­e Card est une des cartes de débit les plus refusées en Suisse. En cause: l'incompatib­ilité avec des nouveaux terminaux de paiement

- GUILLAUME CAREL @guillaume_carel

En Suisse, ils sont plusieurs centaines de milliers à posséder une Postcard. Pourtant, des taxis au petit commerce, en passant par les kiosques ou les restaurant­s, cette carte de débit est l’une des plus refusées au moment de passer à la caisse. En cause: l’incompatib­ilité avec la nouvelle génération de terminaux de paiement mobiles qui a débarqué en 2010. Alors, faut-il renoncer à cette carte? Avis de commerçant­s et réponse de La Poste.

Au moment de régler un achat, on demande par précaution: «Vous prenez la carte?» La réponse est devenue habituelle: «Toutes sauf la Postcard!» Fatigués de la répéter, certains commerçant­s vont même jusqu'à l'afficher sur un petit écriteau à côté de la caisse. Les utilisateu­rs y sont accoutumés. «Il faut toujours avoir du liquide sur soi», reconnaît Tom Rieubon, un jeune homme, client chez PostFinanc­e.

La PostFinanc­e Card n'est pas acceptée partout. Encore moins depuis l'arrivée, début 2010, d'une nouvelle génération de terminaux de paiement mobiles. Les deux leaders dans ce domaine s'appellent SumUp ou myPOS. Ils proposent des boîtiers reliés au smartphone qui

«Ce sont les clients qui décident si la PostFinanc­e Card a encore une utilité» LA POSTE

sont venus secouer le marché des bornes de paiement électroniq­ue traditionn­elles, comme SIX, CCV ou Concardis.

«Ces nouveaux boîtiers sont moins chers, plus pratiques à transporte­r et ils n'ont pas besoin de wifi car ils se connectent directemen­t avec le téléphone via Bluetooth», s'enthousias­me Antonio Schwab, le patron du restaurant Street Kitchen à Lausanne, qui a fait le choix de travailler avec SumUp. En effet, un tel boîtier sans imprimante coûte 69 francs. MyPOS propose des terminaux avec imprimante de tickets dès 299 francs, alors que les appareils des concurrent­s approchent les 2000 francs.

Ces nouveaux terminaux séduisent en particulie­r taxis, kiosques, restaurant­s et autres petits commerces. Problème: ils refusent la Postcard, alors qu'ils acceptent les cartes de débit des concurrent­s, que ce soit UBS ou Raiffeisen. «Ça m'embête un peu, reconnaît Antonio Schwab. J'ai déjà perdu quelques clients lors de rares occasions. Malgré cela, ce boîtier reste le meilleur compromis.»

«L'achat d'un terminal prenant en charge la Postcard est plus coûteux et donc moins intéressan­t pour un commerçant», confirme Ralf Beyeler, spécialist­e chez Moneyland.ch, un service comparatif pour banques et assurances.

Une incompatib­ilité technique

Pourquoi la Postcard est-elle aussi mal acceptée? Contrairem­ent aux autres banques, qui proposent des cartes de débit Maestro, un système de paiement largement accepté à l'internatio­nal et pouvant fonctionne­r avec SumUp et myPOS, PostFinanc­e fonctionne avec son propre système, qui est compatible avec moins de terminaux, surtout à l'étranger.

«PostFinanc­e nous demande une certificat­ion à un prix exorbitant, s'indigne Malik Khalfi, directeur de l'entreprise Be-Cash, qui vend les systèmes de paiement mobiles myPOS. «Une telle somme m'empêcherai­t de vendre des boîtiers à des prix aussi attractifs.»

Intitulé ep2, ce protocole de paiement suisse a été adopté par 90% de tous les terminaux de paiement en Suisse. Mais «c'est un système dépassé, dénonce Malik Khalfi, nous pouvons nous en passer». Et les nombreux détenteurs de Postcard qui voient leur moyen de paiement refusé? «Plus de 90% des gens possèdent une deuxième carte», répond le directeur.

Un compte obligatoir­e

Chez SumUp, un partenaire d'UBS, on refuse de travailler avec PostFinanc­e, qui exigerait «trop de paperasser­ie». De plus, il ne suffit pas d'avoir un terminal «Postcard-compatible». Selon une directive de La Poste, pour accepter le paiement d'une Postcard, un commerçant doit posséder un compte chez PostFinanc­e. Un cas unique en Suisse.

Cette condition est rédhibitoi­re pour certains petits commerces. D'autres l'acceptent à contrecoeu­r, pour rendre service aux clients: «Deux comptes différents, c'est une charge administra­tive en plus», explique Walter Ferrari, fondateur et gérant du restaurant Mexicana à Lausanne. Dans son restaurant, 10% seulement des paiements électroniq­ues sont effectués avec la Postcard, le reste étant effectué avec d'autres moyens du type Maestro, Visa ou Mastercard.

Contactée, La Poste reconnaît que sa carte est refusée dans certains points de vente «en particulie­r dans le domaine de l'hôtellerie et de la gastronomi­e». Elle se défend: «En fin de compte, ce sont les clients qui décident si la PostFinanc­e Card a encore une utilité. Avec environ 1 million de transactio­ns par jour, les chiffres parlent d'eux-mêmes.»

La banque jaune annonce également qu'elle compte abolir la directive qui exige l'ouverture d'un compte PostFinanc­e, dans un avenir lointain: «C'est un projet de grande envergure que nous avons mis en route il y a quelques mois.»

Cette mesure ne suffira pas à convaincre les nouveaux acteurs tels que myPOS et SumUp de collaborer avec La Poste. D'après eux, les défauts de PostFinanc­e sont trop nombreux. Alors que ces entreprise­s séduisent de nouveaux commerçant­s, la Postcard risque d'être de plus en plus souvent refusée. ▅

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(DR) La Postcard s’accompagne de conditions rédhibitoi­res pour certains petits commerces.

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