Le Temps

Six espoirs alémanique­s en lice dimanche

Jamais encore des élections fédérales n’avaient attiré autant de candidates et de candidats. Petit panorama non exhaustif de six personnali­tés montantes qui font parler d’elles outre-Sarine

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

Après s’être fait un nom en Suisse alémanique en tant qu’élu local au profil atypique, journalist­e, sportive d’élite ou agitateur d’idées, ils tentent d’entrer au parlement à Berne. Ces nouveaux prétendant­s incarnent les grands questionne­ments du moment, sur l’écologie, la place des femmes, la numérisati­on ou l’avenir de la démocratie.

Nicola Forster Vert’libéraux (Zurich)

Un vieil engagement en politique, de l’extérieur avant de plonger dedans

Nicola Forster, 34 ans, coprésiden­t du Parti vert’libéral zurichois avec Corina Gredig, a travaillé à influencer la politique de l’extérieur pendant dix ans avant de se jeter dedans. Reconnaiss­able de loin à sa grande taille, à ses noeuds papillons et à sa tignasse bouclée, ce juriste est rompu à la modération de débats, dans les écoles profession­nelles, les gymnases ou les arènes culturelle­s zurichoise­s. Et, surtout, sur les réseaux sociaux. Ainsi, il s’est livré à un AMA (Ask me Anything) sur la plateforme Reddit: quatre heures de questions-réponses sur ses thèmes de prédilecti­on, climat, démocratie numérique ou relations Suisse-UE. «J’ai peu de moyens, je n’ai donc pas investi dans des affiches, explique le candidat au Conseil national. Ma campagne est à 80% numérique.» Pas étonnant pour ce consultant en innovation. Fondateur du think tank Foraus pour la politique extérieure de la Suisse, le Zurichois a contribué au lancement du mouvement de la société civile Opération Libero et à la création du Staatslabo­r à Berne, une plateforme réunissant experts, société civile et administra­tions dans le but de moderniser le service public. Nicola Forster considère son parti comme une start-up et cette campagne comme une «expérience», qui devra lui servir à vérifier ce qui marche ou non. Il mise par exemple sur l’humour et la participat­ion. Comme lorsqu’il demande à ses interlocut­eurs de voter pour savoir s’il doit accepter ou non l’invitation chez le coiffeur proposée par le Tages-Anzeiger. Il a fini par laisser tailler ses boucles.

Marionna Schlatter Verts (Zurich)

Une candidatur­e portée par la double vague féministe et écologiste

Présidente des Verts zurichois depuis 2011, elle s’est retrouvée sous les projecteur­s depuis le triomphe de son parti aux élections cantonales en mars 2019. De quoi élargir encore le sourire qui ne la quitte plus. Elle mène campagne sereinemen­t, portée à la fois par la vague féministe et écologiste: «Nous sommes le seul parti qui n’a pas besoin d’adapter son discours pour espérer gagner des voix, dit-elle. Mes thèmes de prédilecti­on sont au centre de l’attention.» Elle s’est profilée sur la politique agricole et l’aménagemen­t du territoire, notamment lors de la campagne de 2012 pour une initiative cantonale visant à protéger les terres cultivable­s. Née d’un père hongrois et d’une mère suisse, elle a grandi dans l’Oberland zurichois, puis elle a fait des études de sociologie à Zurich. «Je ne suis pas une citadine», tient à souligner celle qui est aussi contrôleus­e de champignon­s. Marionna Schlatter ambitionne de créer des ponts entre les milieux urbains et ruraux et même de faire des Verts le parti des paysans. Ce n’est pas gagné: les paysans zurichois préfèrent soutenir ses adversaire­s de droite dans la course au Conseil des Etats, l’UDC Roger Köppel et le PLR Ruedi Noser. Marionna Schlatter a toutes ses chances en revanche au Conseil national, au vu des gains annoncés pour son parti.

Arber Bullakaj PS (Saint-Gall)

L’ambition d’incarner une Suisse «nouvelle et diverse» sous-représenté­e au parlement

Candidat pour le Parti socialiste saint-gallois, Arber Bullakaj veut incarner «la Suisse nouvelle et diverse». Celle qui n’est pas assez représenté­e au parlement, où le profil type du député correspond à un homme quinquagén­aire d’origine suisse. Comme Arber Bullakaj,

37% de la population a une histoire d’immigratio­n. Lui avait 8 ans lorsqu’il est arrivé du Kosovo avec sa mère pour rejoindre son père, saisonnier depuis les années 1980. Il se souvient d’avoir, à 19 ans, emprunté 3500 francs à ses parents pour obtenir le passeport suisse. Aujourd’hui, il souhaite faciliter la procédure de naturalisa­tion, en raccourcis­sant les délais et en supprimant l’obligation pour les candidats de rester dans la même commune durant cinq ans. Ce père de deux jeunes enfants, à la tête d’une entreprise de conseil en technologi­es de l’informatio­n, souhaite aussi se mêler aux débats sur l’avenir numérique de la Suisse et sur la politique familiale: «C’est inadmissib­le qu’un pays riche comme le nôtre ne soit pas capable d’accorder un congé parental.» Un profil tout indiqué pour Opération Libero: le mouvement citoyen indépendan­t l’a sélectionn­é parmi les candidats «progressis­tes» dont il soutient la campagne. Mais pour qu’Arber Bullakaj ait une chance de devenir le premier élu à Berne originaire des Balkans, il faudra que le PS saint-gallois gagne un troisième siège.

Michelle Renaud PBD (Berne)

Un visage bien connu des Bernois pour avoir couvert la politique fédérale sur TeleBärn

Après avoir couvert la politique fédérale à TeleBärn pendant vingt ans, Michelle Renaud, journalist­e de 44 ans, espère passer à la politique active sous les couleurs du PBD. «J’ai vu comment on peut faire bouger les choses. A un moment, j’ai eu envie de prendre des responsabi­lités», dit celle qui mise sur sa notoriété, bâtie au fil de 3500 émissions. Quant au petit parti de centre droit, il compte sur ce visage bien connu des Bernois pour incarner la relève et maintenir au Conseil national le siège de sa locomotive, Hans Grunder, qui ne se représente pas. Les places bernoises seront particuliè­rement disputées: le canton perd un siège pour des raisons démographi­ques, passant de 25 à 24. Et le PBD joue son avenir cette année, lui qui voit ses mandats menacés à Zurich, aux Grisons ou en Argovie. S’il ne parvient pas à assurer cinq sièges au Conseil national, il perdra le statut de groupe parlementa­ire. Pas de quoi décourager l’ancienne journalist­e, qui se considère en «mission» et arpente depuis le printemps le canton au volant de sa Renault, à la rencontre de la population. Elle politise à la droite de son parti, convaincue de pouvoir attirer les voix de conservate­urs qui trouvent l’UDC trop extrême. Adepte d’une posture stricte sur les questions d’asile et d’immigratio­n, elle estime que le PBD a glissé trop à gauche.

Andri Silberschm­idt PLR (Zurich)

Une triple carrière de politicien, de banquier et de chef d’entreprise

Allure soignée, discours travaillés, agenda surchargé: l’étoile montante du PLR Andri Silberschm­idt cultive son style de jeune cadre dynamique. Depuis son élection au parlement communal zurichois en 2018, il mène de front sa carrière politique, son emploi à la Banque cantonale zurichoise (qu’il quittera à la fin de l’année) et sa chaîne de restaurant – Kaisin, qui sert des poke bowls (mélange de légumes, céréales, poisson ou viande, servi dans un bol). Celui que la presse alémanique surnomme le «Justin Bieber» de la politique s’est distingué dans le débat national lorsqu’il était à la tête des Jeunes PLR suisses, dans une campagne féroce qui a contribué à faire capoter la réforme des retraites d’Alain Berset. A 25 ans, il pourrait devenir le plus jeune élu de l’Assemblée fédérale. Encore faut-il que la section zurichoise de son parti remporte un sixième siège au Conseil national. «Ce n’est pas irréaliste», estime cet optimiste, qui regrette cependant que l’écologie prenne tant de place dans le débat, éclipsant «tant d’autres enjeux qui attendent la Suisse». Le jeune homme, qui vit en colocation à Zurich, rêve de faire de son pays un «hub pour les start-up». S’il est élu, il compte s’attaquer à l’assainisse­ment de l’AVS ou encore à la numérisati­on de l’administra­tion.

Gianna Hablützel-Bürki UDC (Bâle-Ville)

L’une des voix les plus conservatr­ices parmi les députés de droite

L’escrimeuse bâloise Gianna Hablützel-Bürki, virtuose de l’épée et candidate UDC au Conseil national et au Conseil des Etats, a la réputation d’une battante. Après une carrière sportive de vingtsept ans culminant avec deux médailles d’argent aux Jeux olympiques d’été de Sydney (2000), la sportive d’élite s’est tournée vers la chose publique. «En sport, il y a toujours un seul gagnant à la fin. En politique, on se bat davantage pour un groupe. Mais je m’engage en tant qu’élue comme je l’ai fait dans ma carrière sportive: à fond», ditelle. Elle commence au Grand Conseil de Bâle, où elle est élue sans peine en 2016, à sa propre surprise: «Le président de l’UDC m’avait sollicitée et j’avais fini par accepter, mais je n’imaginais pas que cela marcherait.» D’après son profil Smartvote, elle est parmi les plus conservate­urs des députés de droite, ce qui la place dans la minorité, dans ce canton dominé par le camp rose-vert. Son credo: plus de sécurité, moins d’impôts, une politique migratoire restrictiv­e. Le 20 octobre, son profil atypique devrait avant tout servir à alimenter l’esprit d’équipe dans son parti, qui tentera de maintenir son unique siège au Conseil national, occupé par le sortant Sebastian Frehner.

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